C’est avec justesse que le Sauveur demande : « Quel est celui que les hommes disent être le Fils de l’homme ? » Ceux qui ne voient en lui rien de plus que le Fils de l’homme, sont en effet des hommes ; mais ceux qui reconnaissent sa divinité, sont appelés des dieux et non pas des hommes. « Les disciples répondirent : Les uns (disent que c’est) Jean-Baptiste ; d’autres, Élie ». Je m’étonne que certains interprètes se demandent la cause de ces erreurs, et cherchent à établir, par de longues discussions, pourquoi les uns ont pensé que notre Seigneur Jésus-Christ était Jean-Baptiste, les autres Élie, d’autres Jérémie ou quelqu’un des Prophètes, puisqu’ils ont pu se tromper en le prenant pour Élie et Jérémie, tout comme Hérode se trompa en le prenant pour Jean-Baptiste, quand il disait : « Ce Jean, à qui j’ai fait trancher la tête, est ressuscité d’entre les morts, et c’est pour cela que des miracles s’opèrent par lui ».
« Et vous, qui dites-vous que je suis ? » Lecteurs intelligents, faites attention, d’après la suite et le texte du discours, que les Apôtres ne sont point du tout appelés des hommes, mais des dieux ; car c’est après avoir dit : « Quel est celui que les hommes disent être le Fils de l’homme ? » qu’il ajouta ceci : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? » Pendant que les autres, parce qu’ils sont des hommes, pensent de moi des choses tout humaines, vous qui êtes des dieux, qui croyez-vous que je suis ? Pierre, au nom de tous les Apôtres, fait cette profession de foi : « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant ». Il dit Dieu vivant, à la différence de ces dieux qui passent pour des dieux, mais qui sont morts.
« Jésus, répondant, lui dit : Tu es heureux, Simon Bar-Jona ». Il paie de retour le témoignage que l’Apôtre a rendu de lui. Pierre avait dit : « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant ». La confession de la vérité fut récompensée. « Tu es heureux, Simon Bar-Jona ». Pourquoi ? « Car ce n’est ni la chair ni le sang qui t’ont révélé ceci, mais mon Père ». Ce que la chair et le sang n’ont pu révéler, la grâce du Saint-Esprit l’a révélé. C’est donc par suite de sa profession de foi, qu’il reçoit un nom où se trouve exprimée la révélation du Saint-Esprit, et qu’il mérite même d’être appelé fils de cet Esprit ; car Bar-Jona se traduit dans notre langue par fils de la colombe.
Saint Pierre, nous le savons, est le vicaire, c’est-à-dire le lieutenant, le remplaçant visible du Christ. Les Juifs avaient rejeté Jésus, ils firent de même à l’égard de son successeur. Déplaçant alors le centre religieux du monde, Pierre quitta Jérusalem pour Rome qui devint la ville éternelle et le siège de tous les Papes.
Saint Pierre, premier Pape, parle au nom du Christ qui lui a communiqué son infaillibilité doctrinale. Aussi n’est-ce pas la chair et le sang qui le guident, mais le Père céleste qui ne permet pas non plus que les portes de l’enfer prévalent contre l’Église, dont il est le fondement.
S. Pierre en recevant les clefs est préposé au « royaume des cieux » sur terre, c’est-à-dire à l’Église, et règne au nom du Christ qui l’a investi de sa puissance et de son autorité suprême. Les noms de S. Pierre et de S. Paul ouvrent la liste des apôtres au Canon de la Messe. Avec l’Église qui ne cessait d’adresser des prières à Dieu pour Pierre (Ep.), prions pour son successeur, le serviteur de Dieu, notre Saint Père le Pape.
Comme autrefois Jésus dans la barque prête à sombrer, Pierre dormait tranquillement à la veille du jour où il devait mourir. La tempête, les dangers de toutes sortes, ne seront point ménagés dans le cours des âges aux successeurs de Pierre. Mais on ne verra plus, sur le vaisseau de l’Église, l’effarement qui s’était emparé des compagnons du Seigneur dans l’esquif que soulevait l’ouragan. La foi manquait alors aux disciples, et c’était son absence qui causait leurs terreurs. Mais depuis la descente de l’Esprit divin, cette foi précieuse, d’où découlent tous les dons, est inamissible dans l’Église. Elle donne aux chefs le calme du Maître ; elle entretient au cœur du peuple fidèle la prière ininterrompue, dont l’humble confiance triomphe silencieusement du monde, des éléments et de Dieu lui-même. S’il arrive que la barque de Pierre côtoie des abîmes, le pilote semblât-il endormi, l’Église n’imitera pas les disciples sous la tourmente du lac de Génésareth. Elle ne se fera point juge du temps et des moyens de la Providence, ni ne se croira permis de reprendre tumultuairement celui qui doit veiller pour tous : se souvenant que, pour dénouer sans bruit, les situations les plus extrêmes, elle possède un moyen meilleur et plus sûr ; n’ignorant point que, si l’intercession ne fait pas défaut, l’ange du Seigneur viendra lui-même au temps voulu réveiller Pierre et briser ses chaînes. Amen