Noël ! C’est le jour où nous contemplons l’Enfant-Dieu, l’Enfant Jésus dans la crèche. Sous prétexte de dépouillement esthétique, faut-il ne mettre dans la crèche que l’Enfant Jésus seul ? La chose s’est effectivement produite par le passé… L’Enfant Jésus seul, tout seul ! sans Marie, ni Joseph. Sans bergers ni moutons, bien sûr, ni rien de tout ce qu’on met autour – pas même le bœuf ni l’âne gris…
Il faut le dire carrément : c’est une idée aberrante. Ce n’est pas une question d’appréciation artistique ou de pittoresque. C’est une idée fausse. La représentation de la crèche n’a pas seulement pour but de témoigner de l’abaissement de Dieu jusqu’aux hommes, mais aussi de son enracinement parmi eux. Il a dressé sa tente et il a habité au milieu de nous. Il n’est pas venu pour un court séjour comme un étranger de passage pour une brève visite. Il a demeuré parmi nous. Comme l’un des nôtres. Il a donc voulu avoir un père et une mère, et même une famille-un peu envahissante parfois peut-être…IL a eu aussi tout un cercle d’amis auxquels il était tendrement attaché (cf. ses larmes à la mort de Lazare…)
Représenter un Christ enfant seul, sans aucune attache terrestre, c’est nier implicitement cet enracinement charnel. Malgré son apparence de bébé, c’est laisser entendre qu’il est tombé du ciel comme l’imaginent les récits apocryphes. C’est nier son insertion dans l’histoire des hommes, celle de leurs souffrances et de leurs peines, comme celle de leurs joies. C’est aussi oublier qu’il est venu pour sanctifier tout cela et que le Verbe en prenant notre chair a voulu montrer la dignité de la personne humaine. Les plus grands théologiens soulignent même qu’en naissant d’une famille humaine, le Verbe a voulu montrer la sainteté du mariage.
Il y a parfois des actes plus significatifs que bien des paroles. Surtout dans le domaine religieux. Dans sa naïveté qui prête parfois à sourire, la représentation traditionnelle de la crèche est lourde d’un enseignement profond sur l’essentiel de notre foi chrétienne. Elle est l’illustration concrète de ce que dit l’apôtre Jean : « Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie…nous vous l’annonçons. » La crèche offre une splendide leçon de théologie révélée.
L’incarnation du Verbe n’est pas comme l’ont pensé certains hérétiques du passé une pure apparence, une rêverie imaginaire et sans consistance. En prenant le chemin de tous les hommes pour venir au monde, Dieu le Verbe témoigne lui-même de la réalité de sa présence parmi nous et des servitudes qu’il a assumées du même coup. Le Maître du temps et de l’histoire a voulu se plier aux exigences du temps et passer neuf mois dans le sein de sa mère, avant de se soumettre encore à la nécessité de grandir et de devenir adulte. Avant de se soumettre aussi à la terrible loi de la souffrance et de la mort… La croix qui surplombe tant de crèches ou d’images de la Nativité est moins anachronique qu’on ne le croirait. C’est le symbole anticipé de la destinée de tout homme que le Verbe a aussi voulu partager…Partager pour la transfigurer. Chantons notre Enfant Jésus : Puer natus in Bethleem, Amen, alléluia.