Il est nécessaire d’apprendre à connaître la merveille de nos saints Mystères, ce qu’elle est, sa fin et son utilité. « Nous devenons un seul corps, dit St Paul, des membres formés de sa chair et de ses os ». Nous qui sommes initiés, observons ce qui est dit. Afin donc de le devenir, non par la charité seulement, mais dans la réalité même, unissons-nous intimement à cette chair ; ce qui a lieu au moyen de la nourriture que Jésus-Christ nous a donnée, voulant nous montrer l’ardent amour qu’il a pour nous. Car il s’est uni lui-même à nous, il a confondu son corps avec le nôtre, de façon que nous soyons une seule chose avec lui tel qu’est un corps joint à son chef : et c’est là le fait de ceux qui aiment ardemment.
Revenons donc de cette table comme des lions respirant le feu, devenus terribles au démon ; nous occupant dans notre esprit de notre chef et de l’amour qu’il a montré envers nous. Parfois, les parents confient à d’autres leurs enfants pour les nourrir ; pour moi, dit Jésus-Christ, je n’agis pas ainsi, mais je fais de ma chair un aliment, je me donne moi-même à vous en nourriture, voulant que vous soyez tous généreux, et vous offrant la bonne espérance des choses futures. Et, en effet, moi qui me suis livré ici moi-même à vous, je le ferai beaucoup plus dans l’avenir. J’ai voulu devenir votre frère, j’ai pris une chair et un sang communs avec vous, à cause de vous : je vous livre à mon tour cette chair même et ce sang, par lesquels je suis devenu votre proche.
Étant donc en possession de pareils biens, veillons sur nous, mes frères. Et lorsque nous serons sur le point de prononcer une parole inconvenante ou que nous nous sentirons emportés soit par la colère, soit par tout autre vice semblable, considérons de quels biens nous avons été faits dignes ; et que cette réflexion réprime nos mouvements déraisonnables. Aussi souvent donc que nous participons à ce corps, aussi souvent que nous goûtons ce sang, rappelons-nous que celui qui pénètre en nous est le même que les Anges adorent, assis au plus haut des cieux, à la droite invincible du Père. Que de voies pour aller au salut ! Il nous a faits son corps, il nous a communiqué son corps ; et rien de tout cela ne nous détourne du mal.
Puisque le Verbe a dit : « Ceci est mon corps, » adhérons et croyons à sa parole, et contemplons-le des yeux de l’esprit. Car le Christ ne nous a rien donné de sensible, mais sous des choses sensibles, il nous donne tout à comprendre. Il en est de même dans le baptême aussi, où par cette chose tout à fait sensible, l’eau, le don de la grâce nous est conféré ; spirituelle est la chose accomplie, à savoir la régénération et la rénovation. Si nous n’avions point de corps, il n’y aurait rien de corporel dans les dons que Dieu nous fait ; mais parce que l’âme est unie au corps, il nous donne le spirituel au moyen du sensible. Combien y en a-t-il maintenant qui disent : Je voudrais le voir lui-même, son visage, ses vêtements, sa chaussure ? Eh bien, nous le voyons, nous le touchons, nous le mangeons. Nous désirons de voir ses habits, et le voici lui-même qui nous permet, non seulement de le voir, mais encore de le toucher, de le manger et de le recevoir au dedans de nous.
Qui donc doit être plus pur que celui qui est participant d’un tel sacrifice ? Quel rayon de soleil ne doit point céder en splendeur à la main qui distribue cette chair, à la bouche qui est remplie de ce feu spirituel, à la langue qui est empourprée de ce sang redoutable ? Pensons à tout l’honneur que nous recevons et à quelle table nous prenons place. Ce que les Anges regardent en tremblant, ce dont ils ne peuvent soutenir la rayonnante splendeur, nous en faisons notre nourriture, nous nous y unissons et nous devenons avec le Christ un seul corps et une seule chair. Quel pasteur a jamais donné son sang pour nourriture à ses brebis ? Jésus-Christ nous nourrit lui-même de son propre corps et de son propre sang, il nous incorpore absolument à lui. Vénérons donc un aussi grand sacrement. Amen