Dans leur malice, les Pharisiens s’efforcent de découvrir la moindre faille pour accuser Jésus. Or Jésus appelait tout le monde à passer des vices du siècle et des superstitions religieuses humaines à l’espérance du Royaume des Cieux. Les pharisiens, par conséquent, tendent un piège subtil dans la façon de formuler leur question : ou bien violer le pouvoir séculier, ou bien admettre évidemment l’obligation de payer le tribut à César.
Connaissant le secret de leurs pensées, (car Dieu observe ce qui est caché au plus intime des hommes) Jésus se fait apporter un denier, et il s’informe de qui sont l’inscription et l’effigie. Les pharisiens répondent : « De César. » Il leur dit : « A César il faut rendre ce qui est à César, et à Dieu, ce qui est à Dieu. » Réponse vraiment admirable, et solution parfaite que cette parole céleste ! Le Seigneur équilibre si bien tout entre le mépris du siècle et l’injure blessante pour César, qu’il décharge les âmes consacrées à Dieu de tous les soucis et embarras humains en décrétant qu’il faut rendre à César ce qui lui appartient. Car s’il ne reste rien de lui chez nous nous ne serons pas obligés de lui rendre ce qui lui appartient.
Si au contraire, nous couvons son bien, si nous recourons à son pouvoir, nous nous astreignons aussi comme des mercenaires, à gérer un patrimoine étranger, et il n’y a point à se plaindre d’injustice : il faut rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui lui revient : notre corps, notre âme, notre volonté. C’est de lui en effet que nous les tenons au départ et dans leur accroissement ; il est donc juste qu’ils retournent entièrement à celui dont ils reconnaissent tirer tout ensemble l’origine et le progrès.
L’homme est enfant de deux mondes, l’un terrestre, visible, et l’autre surnaturel, invisible ; il doit remplir ses devoirs dans ces deux mondes. Comme enfant de Dieu et citoyen du royaume de Dieu, il a des devoirs envers son souverain Maître. Alors on pourrait croire que le chrétien n’a pas à s’occuper du monde, qu’il est dégagé de tous les devoirs temporels. Non ; précisément parce que nous sommes citoyens de Dieu, nous devons aussi remplir nos devoirs envers nos supérieurs temporels. Nous faisons partie d’une famille, d’une société, d’une nation ; par conséquent, Dieu nous impose aussi des devoirs envers parents et supérieurs temporels : Ces deux catégories de devoirs ne sont pas en opposition. Le chrétien doit donc être le meilleur citoyen, le meilleur sujet dans la famille, dans son travail, dans le commerce. Et cette obéissance à l’autorité temporelle n’est pas un service des hommes, mais un véritable service de Dieu. Le chrétien dit : Tu es le représentant de Dieu ; Dieu t’a donné la puissance, le pouvoir, et, pour cette raison, et uniquement pour cette raison, je te respecte ou plutôt je respecte en toi la souveraine puissance de Dieu, mais seulement dans la mesure où tu représentes cette puissance. Donnes-tu un ordre contraire à la volonté de Dieu ? Alors tu n’es plus son représentant ; alors j’obéis à Dieu.
Voilà ce que notre monde ne veut ni ne peut plus comprendre. Il ne peut y avoir de loi contre Dieu, contre son Christ ou son Église. Dès lors que Dieu n’est plus avec l’homme qui commande, la puissance de celui-ci n’est que force brutale. Le prince ou l’assemblée qui prétend réglementer les mœurs d’un pays à l’encontre de Dieu, n’a donc droit qu’à la révolte et au mépris de tous les gens de cœur ; donner le nom sacré de loi à ces tyranniques élucubrations, est une profanation indigne d’un chrétien comme de tout homme libre.
Mais, dires-vous peut-être : qu’est-ce qui est à Dieu ? Tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes, tout cela est de Dieu et pour Dieu ; ne gardons rien pour nous. Corps et âme, intelligence et volonté, cœur et esprit lui appartiennent ; donnons-les lui donc. Nous sommes là en présence du grand commandement du royaume de Dieu : Que ta volonté soit faite sur la terre, comme au ciel ! Amen