C’est un évangile bien connu que nous venons d’entendre. Ecoutons St Augustin : « Si au moins ce pharisien avait dit : Je ne suis pas comme beaucoup d’hommes. Car par ces mots « le reste des hommes » que veut-il dire sinon, tous, lui seul excepté ? Moi, dit-il, je suis juste, tous les autres, pécheurs. « Je ne suis pas comme le reste des hommes, injustes, voleurs, adultères. » Et voici pour toi, dans le voisinage d’un publicain, une occasion de te rengorger davantage. « Comme ce publicain-là », dit-il. « Moi, dit-il, je suis un être à part ! Celui-là est un des autres ! » Non, dit-il, je ne suis pas tel que lui ! Grâce à mes œuvres de justice, je ne suis pas un homme malhonnête.
« Je jeûne deux fois la semaine, je paie la dîme de tout ce que je gagne. » Qu’a-t-il demandé à Dieu ? Cherche dans ses paroles, tu ne trouveras rien ! Il monte prier. Or, il ne veut pas implorer Dieu, mais se louer soi-même. C’est trop peu dire : « Pas implorer Dieu, mais se louer soi-même. » En surplus, il insulte celui qui prie. « Le publicain, lui, se tenait à distance » et cependant, il s’approchait de Dieu. Sa conscience secrète l’en éloignait, sa piété l’en rapprochait. « Le publicain, lui, se tenait à distance », mais, tout proche, le Seigneur lui prêtait attention.
Le Seigneur est le Très-Haut et il regarde l’humilité. Mais les hommes hautains, – et le pharisien était l’un d’eux –, il ne les connaît que de loin. Leurs actes hautains, Dieu les connaît de loin, mais il ne méconnaît pas leur faute. Écoute encore l’humilité du publicain. Non content de se tenir à distance, il ne levait même pas les yeux vers le ciel. Afin d’être regardé, lui ne regardait pas. Il n’osait pas relever les yeux. Sa conscience l’opprimait, l’espérance le soulevait. Écoute encore : « Il se frappait la poitrine. » De lui-même, il exige un châtiment. Aussi le Seigneur épargne-t-il celui qui confesse sa faute. « Il se frappait la poitrine en disant : Mon Dieu, sois indulgent au pécheur que je suis. » Le voilà, celui qui prie ! Pourquoi t’étonner ? La faute qu’il reconnaît, Dieu, lui, ne veut plus la connaître. »
Il y a, dit Pascal, deux classes d’hommes, les saints qui s’estiment coupables de toutes les fautes et les pécheurs qui ne se croient coupables de rien. Les premiers sont humbles et Dieu les élèvera en les glorifiant, les seconds sont orgueilleux et il les abaissera en les châtiant. « Dieu, dit St Jean Chrysostome, punit l’orgueil : il a submergé le monde, brûlé Sodome, englouti l’armée de Egyptiens, car c’est lui qui a porté aux coupables tous ces coups et d’autres encore. Mais, direz-vous, Dieu est indulgent ! Sans doute. » Mais d’après ce que Dieu a dit et d’après ce qu’il a fait dans le passé, préjugeons de ce qu’il fera dans l’avenir. Ce sera le meilleur moyen d’entretenir en nous l’humilité qui nous fait dire avec l’Eglise : « J’ai crié vers le Seigneur, et il a exaucé ma voix » (Intr.) « Gardez-moi, Seigneur, comme la pupille de l’œil…vos yeux voient bien ce qui est droit » (Grad.) « Vers vous, Seigneur, j’élève mon âme ; en vous, mon Dieu, je mets ma confiance. Que je ne devienne pas pour mes ennemis un objet de moquerie ! Non, ceux qui espèrent en vous ne seront pas confondus » (Off.)
Puisions-nous retenir cette grande leçon de l’évangile du pharisien et du publicain. Amen