L’Octave de Noël n’est pas achevée que déjà l’Eglise nous fait considérer la fin de l’épisode de la rencontre de l’Enfant-Jésus avec Siméon et puis la rencontre avec la vieille dame du Temple, Anne la prophétesse. La liturgie nous fait revivre jour après jour les premiers pas de Jésus dans le monde en compagnie de ses parents. Notre piété personnelle se complaît à cette évocation, mais gardons-nous de faire une lecture trop intimiste de ces lignes. Au-delà de notre petite personne, ces textes ont une immense portée, car l’Enfant-Jésus s’y comporte déjà comme le Sauveur du monde et rien de ce qu’il fait n’est sans signification au regard de notre foi.
Comme il arrive souvent, le plus déconcertant est aussi le plus important. Tout a été fait, dit saint Luc, « selon ce qui est écrit dans la Loi » … Quatre fois, à quelques mots d’intervalle, le récit de la Présentation souligne que Jésus, dans les bras de ses parents, s’est volontairement soumis aux obligations de la loi de Moïse. Quand le Christ dira plus tard qu’il n’est pas venu abolir la Loi, mais l’accomplir, il en a donné le premier et le plus bel exemple. Il est vrai qu’on peut entendre le mot ‘accomplir’ au sens d’‘abolir’, mais il garde aussi sa pleine signification d’une soumission à ces observances.
Il y avait sans doute bien des motifs à ce comportement. Ne serait-ce que le poids de la coutume ! Mais quand il s’agit du Christ, cette explication n’est pas suffisante. L’agir de Jésus est par lui-même un enseignement en acte. A nous de déchiffrer ce qu’il a voulu dire. Or il n’y a aucun doute que le Christ souligne ainsi la continuité entre les deux Alliances : l’Ancien Testament qui prépare le Nouveau, le Nouveau qui dévoile l’Ancien. Cette grande loi de la compréhension chrétienne de la Bible se vérifie ici. Par le fait même de son respect des observances légales, le Christ s’inscrit en faux contre ce que prétendra plus tard Marcion. Selon cet hérétique, le Dieu que prêchait le Christ n’était pas celui de l’Ancien testament. L’Ancien Testament était selon lui l’œuvre d’un Dieu mauvais, adversaire de celui de Jésus. Il s’agit bel et bien d’une hérésie combattue par l’Eglise et le comportement de Jésus en ses premiers jours suffit à montrer que c’est une erreur. Alors que cette erreur réduit à néant la continuité de l’histoire du salut, la pratique de Jésus souligne au contraire l’enracinement du Messie dans le peuple élu de l’Ancien Testament.
L’obéissance de Jésus aux observances de la Loi – et en particulier au rite de la circoncision – a encore une autre signification, elle-même très profonde. Le Christ atteste par là qu’il appartient à la race d’Abraham – Abraham qui avait jadis reçu la circoncision en signe de la foi au Messie à venir. Autrement dit Jésus manifeste ainsi son appartenance au peuple juif. Quand on songe à cela, on se prend à regretter que la réforme liturgique de Vatican II ait estompé la fête de la circoncision. Car la célébration de cette fête le jour de l’an, rappelle que Jésus fut lui-même soumis à ce rite. Bien sûr, Jésus est le Fils de Dieu, né de Marie ; mais il ne faut manquer aucune occasion de rappeler avec St Jean que « le salut vient des Juifs », et avec Pie XI, que nous sommes des « sémites spirituels ».
Que Jésus Enfant vous accorde de bien finir cette année et de bien commencer la nouvelle ! Amen