Le sens de ce 3ème dimanche après l’Epiphanie est celui-ci : Les Gentils et les pécheurs entrent dans le royaume de Dieu.
La journée d’aujourd’hui reste complètement sous l’influence du mystère de l’Épiphanie. Dans les paroles et les chants de l’Église, nous voyons apparaître les trois principaux personnages ou groupes qui prennent part à la visite royale. L’Introït les signale brièvement : « Adorez le Seigneur, vous tous qui êtes ses anges ; Sion a entendu sa voix et s’est réjouie ; les filles de Juda ont été dans l’allégresse, le Seigneur est Roi… » Le Christ-Roi, Sion, c’est-à-dire l’Église, les filles de Juda qui représentent les enfants de l’église, voilà ce dont parle le texte liturgique.
En outre, la liturgie décrit la vie dans l’Église : le Baptême, l’Eucharistie, la charité. Y a-t-il rien de plus beau que ces trois joyaux ? Le Baptême est représenté dans la guérison du lépreux. C’est une image qu’aimait beaucoup l’ancienne Église (les antiennes de Benedictus et de Magnificat ne traitent que de ce sujet). C’est le grand thème pascal que reprend si souvent le dimanche (cf. aussi l’Offert.). A l’Eucharistie font allusion ces paroles du Christ « être assis à table avec Abraham, Isaac et Jacob ». La belle Épître traite de la charité. Enfin la liturgie nous dit encore, à propos de l’Église, que les pécheurs (le lépreux) et les Gentils (le centurion) ont la première place dans le « royaume de Dieu » sur la terre.
Nous-mêmes, nous sommes représentés aujourd’hui par les filles de Juda « les filles de Juda sont dans l’allégresse ». Nos sentiments sont donc des sentiments de joie. Quelle en est la raison ? C’est que nous sommes des enfants de Dieu, rachetés du sang de Jésus-Christ : « La main du Seigneur me soutient, je ne mourrai pas mais j’ai la vie divine… » Nous sommes encore représentés par les deux figures de l’Évangile, le lépreux et le paralytique. Quelle leçon ne nous donne pas le lépreux ! Comme il est modeste et humble : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Il ne demande pas. Il se contente d’avoir confiance ; c’est avec cette foi profonde et cette confiance, que nous devons venir aujourd’hui dans la maison de Dieu. Le centurion nous apparaît sous des traits particulièrement sympathiques. Il est le porte-étendard de la gentilité, il reçoit le Roi qui « fait son entrée », en notre nom. De quelles vertus n’est-il pas orné ! Il a de la charité pour son esclave, il est humble. Lui, le fier Romain, il n’ose pas approcher du Christ. Il a la foi : « Je n’ai pas trouvé une telle foi en Israël » – le sens du devoir professionnel. C’est un soldat, de la tête aux pieds ; il exige l’obéissance, mais il sait aussi obéir. Nous comprenons que l’Église ait élevé à cet homme un monument impérissable, en empruntant ses paroles, au moment de la communion : « Seigneur, je ne suis pas digne… » C’est donc avec le centurion que nous approchons de la sainte Table.
Pécheurs et païens ? Ce sont justement les deux catégories dont nous avons le moins à nous occuper, diront certains. Les pécheurs se sont séparés de Dieu, ce sont des rebelles qui se sont soulevés contre le divin Roi ; quant aux païens, ils ne savent rien de Dieu et n’appartiennent pas au royaume du Christ. Que viennent donc faire ces deux catégories de gens dans l’aimable temps de Noël ? Si nous lisons la vie de Jésus d’après les évangiles, nous verrons comment Jésus s’est comporté justement à l’égard des pécheurs et des païens. Il est à remarquer que ce sont justement les « pieux et les saints » du judaïsme, les Pharisiens, les Scribes et même les prêtres, qui ont montré de l’hostilité envers le Seigneur. Ce sont eux également qui l’attachèrent à la Croix. N’est-il pas tragique de voir que c’est un païen comme Pilate qui voulut arracher le Christ des mains des Juifs acharnés et qui finalement fut forcé, contre sa volonté, de le condamner à la croix ? Par contre, le Seigneur est reçu avec enthousiasme par les pécheurs et les païens. Nous pourrions citer une série d’exemples. Le brave centurion de Capharnaüm ne s’estime pas digne que le Seigneur « vienne sous son toit ». La Chananéenne païenne crie avec supplication vers le Seigneur pour obtenir la guérison de sa fille. Avec quelle foi, la femme païenne, atteinte d’un flux de sang, touche la robe du Seigneur ! Avec quelle sincérité, le païen guéri, du pays de Gérasa, supplie le Seigneur de lui permettre de le suivre. Enfin les Mages païens vinrent du lointain Orient vers Bethléem pour adorer le Roi des Juifs nouveau-né, alors que le Roi Hérode et le grand conseil ne bougent pas le petit doigt pour répondre au message. Et après l’Ascension du Christ, les Apôtres et particulièrement saint Paul firent la même expérience sans cesse renouvelée. Les Juifs repoussèrent la bonne nouvelle que les païens accueillirent avec enthousiasme.
Ayons pour les pécheurs et les païens les mêmes sentiments que le Christ. Ne soyons pas des pharisiens qui n’ont que des regards de mépris pour les pauvres gens. Ce n’est pas par des disputes et des contestations que nous arriverons à les amener à nous ; nous n’arriverons à aucun résultat par des actes inamicaux et des condamnations. Nous n’avons pas besoin d’abandonner un iota de nos principes ; mais la fidélité à nos principes est compatible avec une tolérance de la charité. Ne jugeons pas les hommes d’après les doctrines théoriques de leur parti ou de leur confession. Dans la vie réelle, nous sommes beaucoup plus rapprochés et la charité est le chemin qui mènera à leur cœur… Ce n’est pas par l’apologétique, la dogmatique et la casuistique que nous convertirons le monde ; mais, comme le Sauveur, par la charité, la compréhension et la compassion. Nous autres, catholiques, nous sommes toujours portés à nous poser en juges et à condamner, et nous sommes souvent tout près du pharisaïsme. Il y a beaucoup de bon dans l’âme de ceux qui ne pensent pas comme nous, mais nous ne le voyons pas. La résolution pratique de cette semaine devrait donc être celle-ci : Dans nos relations avec ceux qui ne pensent pas comme nous, inspirons-nous de l’esprit du Christ. Amen