Dieu se montre à tous les hommes, en ce moment même, dans l’étroit réduit de la crèche, et sous les langes de l’enfance. La voilà, cette béatitude que nous attendions de la visite d’un Dieu sur la terre ; purifions nos cœurs, rendons-nous agréables à ses yeux : car s’il est enfant, l’Apôtre Paul nous a dit qu’il est aussi le grand Dieu, le Seigneur dont la naissance éternelle est avant tous les temps. Chantons sa gloire avec les saints Anges et avec l’Église.
Nous aussi, ô divin Enfant, nous joignons nos voix à celles des Anges, et nous chantons : Gloire à Dieu ! paix aux hommes ! Cet ineffable récit de votre naissance attendrit nos cœurs, et fait couler nos larmes. Nous vous avons accompagné dans le voyage de Nazareth à Bethléhem, nous avons suivi tous les pas de Marie et de Joseph, dans le cours de cette longue route ; nous avons veillé, durant cette sainte nuit, attendant l’heureux moment qui vous montre à nos regards. Soyez loué, ô Jésus, pour tant de miséricorde : soyez aimé, pour tant d’amour. Nos yeux ne peuvent se détacher de cette heureuse crèche qui contient notre salut. Nous vous y reconnaissons tel que vous ont dépeint à nos espérances les saints Prophètes, dont votre Église nous a remis, cette nuit même, les divins oracles sous les yeux. Vous êtes le grand Dieu, le Roi pacifique, l’Époux céleste de nos âmes ; vous êtes notre Paix, notre Sauveur, notre Pain de vie. Que vous offrirons-nous, à cette heure, sinon cette bonne volonté que nous recommandent vos saints Anges ? Formez-la en nous ; nourrissez-la, afin que nous méritions de devenir vos frères par la grâce, comme nous le sommes désormais par la nature humaine. Mais vous faites plus encore dans ce mystère, ô Verbe incarné ! Vous nous y rendez, comme parle votre Apôtre, participants de cette nature divine que vos abaissements ne vous ont point fait perdre. Dans l’ordre de la création, vous nous avez placés au-dessous des Anges ; dans votre incarnation, vous nous faites héritiers de Dieu, et vos propres cohéritiers. Que nos péchés et nos faiblesses ne nous fassent donc pas descendre de ces hauteurs auxquelles vous nous élevez aujourd’hui.
Voici que, dans ce moment même, des bergers invités par les saints Anges arrivent en hâte à Bethléem ; ils se pressent dans l’étable, trop étroite pour contenir leur foule. Dociles à l’avertissement du ciel, ils sont venus reconnaître le Sauveur qu’on leur a dit être né pour eux. Ils trouvent toutes choses telles que les Anges les leur ont annoncées. Qui pourrait dire la joie de leur cœur, la simplicité de leur foi ? Ils ne s’étonnent point de rencontrer, sous les livrées d’une pauvreté pareille à la leur, Celui dont la naissance émeut les Anges mêmes. Leurs cœurs ont tout compris ; ils adorent, ils aiment cet Enfant. Déjà ils sont chrétiens : l’Église chrétienne commence en eux ; le mystère d’un Dieu abaissé est reçu dans les cœurs humbles. Hérode cherchera à faire périr l’Enfant ; la Synagogue frémira ; ses docteurs s’élèveront contre Dieu et contre son Christ ; ils mettront à mort le libérateur d’Israël ; mais la foi demeurera ferme et inébranlable dans l’âme des bergers, en attendant que les sages et les puissants s’abaissent à leur tour devant la crèche et la croix.
Que s’est-il donc passé au cœur de ces hommes simples ? Le Christ y est né, il y habite désormais par la foi et l’amour. Ils sont nos pères dans l’Église ; et c’est à nous de leur devenir semblables. Appelons donc, à notre tour, le divin Enfant dans nos âmes ; faisons-lui place, et que rien ne lui ferme plus l’entrée de nos cœurs. C’est pour nous aussi que parlent les Anges, c’est à nous qu’ils annoncent l’heureuse nouvelle ; le bienfait ne doit pas s’arrêter aux seuls habitants des campagnes de Bethléem.
Fils éternel de Dieu ! en présence de la crèche où vous daignez vous manifester aujourd’hui pour notre amour, nous confessons, dans les plus humbles adorations, votre éternité, votre toute-puissance, votre divinité. Dans le principe, vous étiez ; et vous étiez en Dieu, et vous étiez Dieu. Tout a été fait par vous, et nous sommes l’ouvrage de vos mains. O Lumière infinie ! ô Soleil de justice ! nous ne sommes que ténèbres ; éclairez-nous. Trop longtemps nous avons aimé ces ténèbres, et nous ne vous avons point compris ; pardonnez-nous notre erreur. Trop longtemps vous avez frappé à la porte de notre cœur, et nous ne vous avons pas ouvert. Aujourd’hui du moins, grâce aux admirables inventions de votre amour, nous vous avons reçu ; car, qui ne vous recevrait, Enfant divin, si doux, si plein de tendresse ? Mais, demeurez avec nous ; consommez cette nouvelle naissance que vous avez prise en nous. Nous ne voulons plus être ni du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu, par vous et en vous. Vous vous êtes fait chair, ô Verbe éternel ! afin que nous fussions nous-mêmes divinisés. Soutenez notre faible nature qui défaille en présence d’une si haute destinée. Vous naissez du Père, vous naissez de Marie, vous naissez dans nos cœurs : trois fois gloire à vous pour cette triple naissance, ô Fils de Dieu si miséricordieux dans votre divinité, si divin dans vos abaissements ! Amen