Grandiose cette page d’évangile ! Nous sommes invités à comprendre : c’est un signe que ce qui vient d’être dit dans l’évangile recèle un sens mystérieux. Voici ce que nous lisons en Daniel : « Le temps d’une demi-semaine il fera cesser le sacrifice et l’oblation et dans le Temple sera l’abomination de la désolation jusqu’à la fin et la fin sera accordée sur une solitude ». Et à ce propos l’Apôtre dit que l’Homme d’iniquité et l’Adversaire doit se dresser contre tout ce qu’on appelle Dieu et qu’on vénère, osant même se tenir dans le Temple de Dieu, et se donner lui-même pour Dieu ; que sa venue, par l’influence de Satan, détruira et réduira à être délaissés de Dieu ceux qui l’auront accueilli.
On peut comprendre simplement qu’il s’agit de l’Antichrist ou de l’image de César que Pilate fit placer dans le Temple, ou de la statue équestre d’Adrien qui se dresse encore aujourd’hui au lieu même du Saint des Saints. Dans l’Ancien Testament, abomination signifie aussi idole ; et c’est pourquoi on lui ajoute « de la désolation », parce que l’idole a été fixée dans le Temple en désolation et en ruines.
On peut entendre l’abomination de la désolation comme toute doctrine perverse. Quand nous la verrons se tenir dans le lieu saint, c’est-à-dire dans l’Église, et se faire passer pour Dieu, nous devrons fuir de la Judée vers les montagnes, c’est-à-dire abandonner la lettre qui tue et l’erreur judaïque, nous approcher des montagnes éternelles d’où Dieu répand son admirable lumière et nous tenir sur le toit et sur la terrasse où les traits enflammés du diable ne peuvent parvenir, ne pas descendre ni prendre quoi que ce soit de la maison de notre ancienne vie ni chercher ce qui est derrière nous, mais bien plutôt semer dans le champ des Écritures spirituelles afin d’en recueillir des fruits, et ne pas emporter une seconde tunique, qu’il n’est pas permis aux Apôtres de posséder.
Ce langage sévère de Saint Jérôme fait écho à celui de Saint Basile qui nous fait la saisissante peinture du jugement dernier au bréviaire de ce dernier dimanche : « Si le désir de pécher s’empare de vous, alors pensez à ce terrible et insupportable jugement du Christ, où il est assis en Juge sur un trône élevé. Devant lui se tient toute la création, tremblant à son glorieux aspect. Nous sommes amenés un à un devant lui pour rendre compte de ce que nous avons fait pendant la vie. Alors, celui qui a commis beaucoup de péchés dans sa vie est entouré d’anges hideux et effrayants, aux yeux et au souffle de feu à cause de la dureté de leur cœur, au visage sombre comme la nuit à cause de leur désespoir et de leur haine pour les hommes. De plus, représentez-vous l’abîme sans fond, les ténèbres impénétrables, le feu sans éclat, qui peut bien brûler, mais non éclairer. Pensez à la race venimeuse et carnivore des vers qui dévore insatiablement, n’est jamais assouvie et cause, par ses morsures, d’intolérables souffrances ; enfin, pensez à ce qui est le plus terrible de tous les supplices, à la honte, et à la confusion éternelle. Craignez tout cela et, instruits par cette crainte, tenez votre âme éloignée, comme par un frein, des mauvaises convoitises. »
Il ne s’agit pas de nous effrayer, mais bien de prendre conscience de la gravité du péché, dans la perspective de la fin du monde, sachant que nous finirons notre passage sur cette terre bien avant cette terrible échéance. Sainte Marie priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. Amen