Le retour du cycle liturgique nous offre l’occasion chaque fois renouvelée de découvrir de nouveaux aspects même dans les fêtes les plus familières et les plus aimées. Cela n’a rien de surprenant. Si l’on songe que la liturgie n’est qu’une immense célébration du mystère de Dieu en lui-même et en ses œuvres de grâce, on ne saurait s’étonner de n’en venir jamais à bout.
Dans le prolongement de Noël, nous célébrons aujourd’hui l’Epiphanie, c’est-à-dire la manifestation, l’apparition de Dieu dans notre chair. Elle appelle donc, c’est trop clair, comme première réponse de notre part, comme premier mouvement, notre contemplation, notre adoration. Et c’est bien la première chose que les Mages nous apprennent. Ils le disent d’abord à Hérode : « Nous sommes venus nous prosterner devant lui. » Et quand ils sont devant l’Enfant : « Tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. »
Cela n’enlève rien aux autres dimensions de la fête que l’office du jour remémore à longueur de pages. Cela n’enlève rien non plus à la signification universelle de l’évènement ; saint Paul nous le rappelle : le salut de notre Dieu ne concerne pas seulement le peuple hébreu, il s’étend à la terre entière. Mais cela nous remet devant les yeux l’évidence qui s’impose : au cœur de tout cela, il y a l’initiative que Dieu a prise de se dévoiler ainsi à nos yeux : « Le Verbe s’est fait chair et il a demeuré parmi nous. » C’est à partir de là que tout le reste est devenu possible : puisque « la vie de l’homme c’est de voir Dieu », Dieu a voulu se montrer à nous, se manifester à nous pour que nous ayons la vie.
Et quel doit être alors notre premier mouvement ? Sinon celui des Mages : se prosterner et adorer. Adorer ! Pas seulement voir ou regarder ! Mais bien contempler ! Considérer dans la foi et l’amour qu’il m’a donnés pour cela, Celui qui se dévoile à mon regard. Les exégètes l’ont remarqué depuis longtemps. Le vocabulaire des apparitions – et donc de la vision qui leur correspond ! -, les mots qui décrivent les apparitions – depuis celle de Dieu à Abraham jusqu’à celles du Seigneur ressuscité -, ces mots soulignent toujours l’initiative gracieuse de Celui qui apparaît. C’est en se dévoilant qu’il m’accorde du même coup la faveur et la possibilité même de le contempler. Même visible à mes yeux en son humanité, je ne vois pas le Verbe incarné de la même façon que je vois un objet quelconque posé devant moi, ou même une personne. Ce regard que Dieu me permet de poser sur l’Enfant de la crèche en qui je reconnais le salut des nations et mon propre salut, ce regard est lui-même une grâce.
Au cœur du mystère que nous célébrons aujourd’hui avec sa dimension universelle et cosmique, il y a donc le mystère de la rencontre personnelle de Dieu avec chacun de nous en son intimité la plus profonde. Puisse-t-il accomplir lui-même en nos cœurs le mystère de son épiphanie ! Totalement ! « Qui regarde vers lui resplendira. » Amen