Il y a, dans le Carême, un mystère du nombre. Dans la Septuagésime, nous avons parlé du nombre 70. Ici, bien évidemment, se présente le nombre « 40 » : ce nombre, comme le dit St Jérôme dans son commentaire sur Ezéchiel, qui est toujours celui de la peine et de l’affliction.
A titre de rappel = les 40 jours du déluge où la pluie ne cessa de tomber pour détruire l’humanité coupable.
les 40 années de séjour du peuple hébreu dans le désert avant son entrée dans la terre promise.
les deux grandes figures de l’Ancien Testament que les 3 apôtres privilégiés de la Transfiguration voient aux côtés de Jésus : Moïse qui représente la Loi, Elie qui représente la Prophétie, auront tous deux à passer par un jeûne de 40 jours pour se présenter à Dieu l’un sur le Sinaï, l’autre sur l’Horeb.
et l’on pourrait encore parler des 40 jours de Jonas au bout desquels, s’il n’y a pas pénitence d’accomplie, le prophète avertit Ninive, la grande ville, de sa destruction.
« L’institution du Carême nous apparait alors dans toute sa majestueuse sévérité, et comme un moyen efficace d’apaiser la colère de Dieu et de purifier nos âmes »
2ème mystère du Carême :
L’angle sous lequel la Sainte Eglise considère ses enfants durant la sainte quarantaine.
« Elle voit en eux comme une immense armée qui combat jour et nuit contre l’ennemi de Dieu »
Au jour même du départ en Carême, le Mercredi des Cendres, après avoir reçu ce signe de notre misérable condition humaine poussière de poussière pour retourner en poussière, l’oraison qui clôt ce rite demande « de commencer la carrière de la milice chrétienne par de saints jeûnes » -la carrière c’est le terrain de la lutte…on pourrait encore traduire équivalemment « établir la garnison de la milice chrétienne » ce qui nous met en état de guerre ouverte. Et l’évangile de dimanche dernier nous a montré le front triple sur lequel l’ennemi attaque : la concupiscence de la chair, celle des yeux et l’orgueil de la vie.
3ème mystère du Carême :
Au dire de Dom Guéranger, les 3 grands spectacles par lesquels l’Eglise veut occuper nos pensées.
– le premier est celui qui a pour acteur principal le Christ lui-même. Au fur et à mesure que passera le Carême on sentira la montée de la haine contre lui, jusqu’au moment où le drame se dénouera dans sa mort sanglante
– le deuxième spectacle a pour acteurs les Catéchumènes. Sans doute leur vue nous est-elle le plus souvent refusée : dans la primitive église, les chrétiens, durant le Carême, vivaient en contact permanent avec ceux qui se préparaient au Baptême pour Pâques. La liturgie y fait encore de fréquentes allusions…et nous ne pouvons pas refuser au moins notre prière à ceux qui, dans les territoires des missions ou en des grandes villes ou des régions déchristianisées ou en butte à la persécution, attendent « la grande solennité du Sauveur vainqueur de la mort pour descendre dans la piscine sacrée ».
– le troisième spectacle a pour acteurs les Pénitents Publics. Eux semblent, du coup, avoir complètement disparu des habitudes de l’Eglise concernant les péchés scandaleux. Ce n’est pas parce que les scandales n’arrivent plus : hélas ! Mais sous prétexte de liberté et de largeur de vue, on s’habitue aux scandales.
Sans faire une investigation de ceux qui pourraient être soumis à la Pénitence Publique, ayant le souci des pécheurs en général : prions et mortifions-nous pour eux. Et puis nous nous rappellerons utilement nos propres fautes, et si elles n’ont pas éclaté au grand jour, nous n’en serons pas plus fiers pour cela, mais nous témoignerons d’un sincère et suffisant esprit de pénitence.
Je vous ai dit encore beaucoup de choses : outre que telle ou telle aura pu vous frapper et que vous la retiendrez pour en tirer une résolution de semaine, je vous signale cependant ce passage de l’oraison du jour où il est dit à Dieu « gardez-nous au dedans comme au dehors » : alternativement, cette semaine, nous pourrions nous appliquer à un effort – ou à une pénitence – d’ordre extérieur un jour, d’ordre intérieur le lendemain et ainsi de suite pour que nous soyons déjà un peu renouvelés de corps et d’esprit. Amen