Nous sommes au dernier dimanche du cycle d’été, et il sert comme de prélude au saint temps de l’Avent. La première collecte qui, en termes encore énigmatiques, nous promet ‘remedia maiora’, et la lecture évangélique, avec la description de la seconde venue du Fils de Dieu, préparent l’âme au grand événement qui va être célébré ; dans cinq semaines, le Verbe de Dieu, revêtu de chair humaine, fera sa première entrée dans le monde, et, comme le dit aujourd’hui l’Apôtre dans l’épître aux Colossiens, Dieu Lui-même nous introduira alors définitivement dans le royaume de l’amour fondé par son Fils Unique et bien-aimé.
Cette messe qui précède immédiatement la période liturgique de l’Avent n’a de propres que les trois collectes et les péricopes scripturaires. Dans la première prière on prélude déjà à l’Avent, temps de réveil et de revanche, puisqu’on supplie le Seigneur d’exciter la torpeur de notre volonté par sa grâce, afin de nous disposer à obtenir de sa bonté ces ‘remedia maiora’ qu’il se prépare à nous donner. Quels sont ces grands remèdes ? L’avènement de Jésus, les Sacrements, l’Eucharistie qui perpétue l’Incarnation.
Toutefois, pour que ces remèdes produisent un fruit abondant, on nous demande notre coopération, puisque, comme le disait gracieusement saint Augustin : ‘Qui creavit te sine te, non salvabit te sine te’. (Celui qui t’a créé sans toi ne te sauvera pas sans toi) C’est pourquoi l’Église demande aujourd’hui la divine grâce, afin que la pratique des vertus chrétiennes serve comme de préparation et d’entraînement pour revivre le Christ dans la plénitude de sa sainteté. Cet exercice des vertus chrétiennes est appelé aujourd’hui dans la liturgie ‘divini operis fructum’ ; pour le distinguer toutefois de toutes ces vertigineuses poursuites de la vie contemporaine, vie de furieuse activité matérielle qui altère le plus souvent le système nerveux et qui, sous prétexte de dominer les éléments, tend à asservir l’esprit à la matière et aux sens, cette activité surnaturelle est dite œuvre divine parce qu’elle a pour principe la grâce et Dieu pour terme. A la différence des diverses œuvres de la vie, elle est appelée ‘divini operis’’, au singulier, parce qu’une seule chose est absolument nécessaire, un unique idéal doit dominer toutes les autres activités auxquelles nous nous appliquons, cela même dont parlait Jésus aux habitants de Capharnaüm : Hoc est opus Dei, ut credatis. L’œuvre de Dieu par excellence, c’est donc une vie de foi.
Dans la lecture de ce jour, l’Apôtre décrit l’inépuisable richesse de l’idéal chrétien, la science des voies de Dieu, la fécondité des bonnes œuvres, la société des saints dans le royaume de la lumière, et la rémission des péchés par le Sang du Rédempteur. Il insiste beaucoup sur cette idée que le christianisme est vie, et, comme tel, requiert développement, force, déploiement d’énergie, de telle sorte que le fidèle, sous l’influence de la grâce divine, progresse de jour en jour en revivant la plénitude du Christ.
La seconde venue du Fils de Dieu sur la terre est préfigurée par la première ; c’est pourquoi aujourd’hui, au terme de l’année liturgique et avant d’ouvrir le nouveau cycle de l’Avent, l’Église, avec les paroles mêmes de Jésus (Matth., 24, 15-35), nous décrit le grand cataclysme qui mettra fin au monde et précédera le jugement universel. Jérusalem était le centre et le symbole de l’univers, aussi, en une seule vue prophétique, se compénètrent aujourd’hui dans l’Évangile deux prophéties distinctes : l’une relative au siège et à la destruction de la Cité sainte par les Romains ; l’autre, relative à la fin du monde. L’accomplissement de la première nous est le gage et la sûre garantie que la seconde également se réalisera en son temps.
Aujourd’hui, dans l’Évangile, c’est le Seigneur lui-même qui place sous nos yeux un tableau expressif de son jour. Mais il ne veut pas nous effrayer, car son intention est de « rassembler » ses élus pour leur faire « partager l’héritage de ses saints ».
Au Saint Sacrifice paraît le Christ, le Roi de majesté ; il porte encore le manteau des espèces eucharistiques ; pourtant c’est le même qui viendra en grande puissance et majesté. Et, à la communion, il se penche sur chaque âme. Du trône de son Père il laisse tomber ces paroles de consolation : Je suis glorifié ; priez avec un cœur confiant, cela vous sera donné. Le gage de cette parole de salut est l’Eucharistie. Amen