L’Apocalypse déploie une magnifique tapisserie tissée de symboles, d’imaginaire et de mythe, pour dire ce que Dieu veut pour l’homme. Le voyant de Patmos, à la fin de sa vie, essaie de rendre avec éclat le drame gigantesque qui secoue la création depuis ses origines. Avons-nous assez contemplé la Femme, ayant le soleil comme manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête, une couronne de douze étoiles ?
La Femme est d’abord l’image de l’humanité aimée de Dieu. Elle est parée de toute la beauté du cosmos, car elle est sortie splendide de la main de Dieu. Elle enfante dans la douleur aussi, car la communauté humaine souvent penche vers le mal, la haine et la violence. Mais le plus beau de ses enfants est l’Envoyé de Dieu, le Messie. La clé d’interprétation de cette vision grandiose est précisément Jésus, fils de Marie. En lui, Dieu a manifesté tout son amour. En donnant librement sa vie, Jésus est descendu jusqu’aux profondeurs du Mal, jusque dans nos enfers, pour en arracher l’humanité et l’entraîner avec lui dans le monde de la résurrection où il n’y a plus de mort. La Femme de l’Apocalypse est la Nouvelle Eve à qui Dieu annonce la victoire. Elle est l’humanité nouvelle.
Elle est aussi, bien évidemment, à l’intérieur de cette communauté humaine, la Femme comblée de grâce, la mère de l’Emmanuel (Isaïe 7,14). Marie, en plein ciel de l’Assomption, est l’icône du peuple de Dieu, l’image glorieuse de l’Eglise qui connaît, comme elle, l’épreuve de la foi, la traversée du désert, la contradiction de la Croix. Mais comme elle, l’Eglise aura aussi son Assomption.
Saint Paul dans son Epître aux Corinthiens, nous montre comment Jésus nous entraîne tous dans sa vie en Dieu, vie de Ressuscité. On y voit bien que la prédication de l’Eglise primitive porte essentiellement sur le mystère central du salut, la mort et la résurrection du Christ. Saint Paul ne voit que Jésus mort et ressuscité. Mais alors, si Jésus est ressuscité corporellement, tous ceux qui auront cru en lui participeront à sa glorification.
Pourquoi n’aurait-il pas devancé pour sa mère l’heure de la gloire ? Ne convenait-il pas que celle qui lui a donné sa chair et nourri de son lait pour qu’il soit comme nous au milieu des hommes, fut la première à le rejoindre là où il est en Dieu, La tradition de l’Eglise de Jérusalem l’a toujours affirmé. Les chrétiens de toutes les générations l’ont toujours cru. L’Eglise catholique, par la voix du Pape Pie XII, l’a proclamé.
Mais voilà que l’Evangile nous ramène de ces hauteurs enivrantes au plancher de notre vie quotidienne. Quoi de plus humain que deux futures mamans qui se visitent et parlent entre elles de ce qui leur arrive ? Toutes deux attendent leur premier-né. Il ne se passe rien d’extraordinaire dans cette rencontre : pas de vision, pas de voix descendue du ciel, mais un simple tressaillement dans le sein de sa mère d’un bébé qui, ayant six mois, réagit déjà aux bruits extérieurs. Le grand mystère du triomphe de l’amour sur la haine, de la vie sur la mort, nous avons à le vivre chacun dans notre vie faite de rencontres, de visites, de travaux, de pardons et d’enfantements. Sachons reconnaître dans la banalité du quotidien les traces de Dieu ! Chaque enfantement, chaque accueil de l’autre vécu dans la foi, est une visite de Dieu dans notre humanité, un appel à correspondre à son amour. L’Assomption manifeste la dimension éternelle de notre vie ordinaire et humble semblable à celle de Marie la première des sauvés. A nous d’entrer à notre tour, chaque matin, dans le oui de Jésus à son Père comme dans le oui de Marie. Amen