La liturgie traite trois grands thèmes pendant les dimanches après la Pentecôte. Le premier est la grâce baptismale ; nous sommes des baptisés et nous devons renouveler sans cesse la grâce du baptême ; chaque dimanche est un jour de baptême, une petite fête de Pâques. Le second thème occupe l’Église dans les derniers dimanches après la Pentecôte : c’est la préparation au retour du Seigneur. Le troisième thème se trouve précisément au stade actuel de l’évolution, c’est-à-dire au milieu du temps après la Pentecôte. Nous pouvons le désigner brièvement ainsi : le combat des deux mondes, Nous sommes établis dans le royaume de Dieu, mais nous sommes toujours combattus par le royaume du monde. Dans notre âme le triste héritage d’Adam continue son action dans notre nature corrompue. Nous hésitons, tant que nous sommes vivants, entre les deux royaumes.
Ces trois thèmes caractérisent assez bien toute la vie chrétienne et nous montrent le chrétien réel. Au baptême, il a reçu un précieux trésor. L’Épître d’aujourd’hui nous l’indique en peu de mots : nous sommes les enfants de Dieu ; nous avons le droit d’appeler Dieu notre Père ; le Saint-Esprit a fait de nous ses temples et nous sommes les cohéritiers et les frères de Jésus-Christ. Cependant, le baptême ne nous pas fait entrer dans un pays de cocagne où nous pourrions vivre sans peine ni souci. Non ; l’Église nous envoi dans la vie rude, elle nous envoie au combat. Il nous faut défendre la terre sainte de notre âme contre l’ennemi, il nous faut apprendre à connaître l’ennemi pour le vaincre. Ce combat dure toute la vie. Notre Mère l’Église est, pour ainsi dire, notre maîtresse d’armes qui nous apprend les règles du combat ; elle est en même temps notre forteresse et notre bouclier dans le combat contre la nature inférieure. La messe du dimanche nous donne la force qui vient à notre secours dans les combats de la vie ; cette force nous délivre des embûches de l’ennemi, nous rend courage et persévérance dans le combat. Que produit, en effet, la messe ? Elle nous encourage au combat en nous faisant entendre la parole de Dieu dans sa première partie; elle nous confère la force même de Dieu dans le sacrifice proprement dit. Nous ne sommes, par nous-mêmes, que de pauvres créatures et nous ne pourrions pas soutenir le combat. Mais, au Saint-Sacrifice, un autre combat pour nous, et le plus fort (le Christ) est vainqueur du fort (le démon). Tel est le sens du sacrifice de la messe : nous nous unissons au divin héros, au Christ ; sa victoire est notre victoire, son triomphe est notre triomphe. Telle est la force merveilleuse qui nous rend invincibles.
Alors, nous sommes mûrs pour entrer dans la suite du divin Roi, Jésus-Christ. C’est ce que l’Église dans les derniers dimanches après la Pentecôte nous fera contempler : l’espérance et le désir de notre fin dernière.
La parabole de l’Evangile, l’intendant infidèle, présente des difficultés aux exégètes. Il faut avoir devant les yeux le point de comparaison. Le Christ loue l’intendant infidèle non pas de sa fraude, mais de sa prudence et de l’activité qu’il met à assurer son avenir terrestre. Cette activité des enfants du monde (l’intendant infidèle est le type des enfants du monde) dans leurs plans terrestres doit nous servir de modèle quand il s’agit pour nous d’atteindre notre fin éternelle. Nous portons en nous des forces puissantes que nous devons employer pour l’éternité. Imitons la prudence des enfants du siècle.
Servons-nous de ceux-ci pour nous créer des amis pour l’éternité. C’est la conclusion de la lecture évangélique de ce jour. Toutes les œuvres de charité, tant spirituelles que corporelles, sont recommandables, mais ce qui est particulièrement conseillé, ce sont les suffrages en faveur des pauvres âmes du Purgatoire, afin que, nous, nous leur permettions de jouir plus tôt de la vision béatifique, et elles, à leur tour, puissent plaider notre cause au tribunal de Dieu, et, après notre mort, nous recevoir avec elles dans les célestes tabernacles. Amen