Nous venons d’entendre le miracle de la multiplication des pains dans la version de St Marc. Tous les évangélistes racontent ce miracle, et leurs variantes n’en modifient pas le sens profond. Nous avons une situation d’indigence : une foule qui a faim et pour qui la nourriture à disposition est trop peu abondante : « Qu’est-ce que cela pour tant de monde ! » Jésus passe outre au doute des disciples : « Faites-les manger, et il en restera ! » C’est effectivement ce qui arrive. En reprenant le miracle jadis accompli par Elisée, Jésus montre aux foules qu’il est le ‘grand Prophète qui vient dans le monde’. Celui qu’annonçaient les grandes figures de l’Ancien Testament : non seulement Elisée, mais Elie et Moïse…
Mais il y a plus que cela. Jésus n’est pas un prophète comme les autres. Il n’est pas venu réitérer simplement ce que d’autres avaient fait avant lui. Si en apparence il refait les merveilles qu’ils avaient accomplies, en réalité il les dépasse. Non seulement parce qu’il les fait de façon plus éclatante, avec une ampleur inédite, mais surtout parce qu’il réalise ce qu’elles signifiaient. Les évangélistes ont parfaitement compris que la multiplication des pains accomplie par Jésus avait une autre dimension que celle d’Elisée et ils se sont employés à la magnifier en soulignant le nombre des personnes qui en ont bénéficié et la grande quantité des restes. Le bref récit du miracle d’Elisée ne supporte pas la comparaison…
Mais il y a mieux encore. Pour souligner le vrai sens du miracle, les évangélistes reprennent les mots mêmes de l’institution de l’eucharistie : « Levant les yeux au ciel, Jésus bénit les pains, les rompit et les donna à ses disciples pour les distribuer aux foules… »…Les paroles des Synoptiques sont plus explicites que celles de St Jean, mais Jean, qui fait suivre ce récit par le discours sur le pain de vie, souligne encore mieux la dimension eucharistique du miracle : le pain que Jésus donne, c’est sa chair pour la vie du monde ; le pain de cette terre devient celui du ciel…
On peut faire de ces récits une lecture matérialiste. C’est une interprétation plus fréquente qu’on ne croit. On met alors en avant la pitié de Jésus pour les foules : il donne du pain à ceux qui ont faim et c’est à ce geste qu’on jugera ses disciples. Certes ! Mais si l’on ne voit que cela, on transforme notre foi en une pratique à dimension purement humaine. Si l’on veut seulement nourrir les affamés, d’autres peuvent aussi le faire et l’accompliront peut-être mieux que nous. De façon plus efficace et plus lucrative. C’est même devenu aujourd’hui un vrai business dont la plupart des gens n’ont aucune idée ! Il suffit de connaître les sommes gigantesques et les lobbies mis en œuvre par les organisations d’aide au tiers-monde pour être « édifiés » …
Jésus nous invite certes à nourrir ceux qui ont faim. Mais en plus, il nous convie à partager sa vie et à vivre en communion avec lui. En nous offrant son propre pain, sa propre vie que nous devons partager aux autres et avec les autres, il nous invite à le faire pour l’amour de lui. A cause de lui et de l’Evangile. Tant de saints et de saintes se sont abreuvés à cette source que nous ne pouvons pas douter qu’elle soit la bonne et la vraie. Il faut donc faire ceci sans négliger cela. On peut y réfléchir même en période de vacances ! Amen