« Je me suis réjoui de ce qui m’a été dit : Nous irons dans la maison du Seigneur. » (Ps 121/1)
Eh bien ! sans doute nous aura-t-il tardé de sortir de cette ‘région de l’ENFER’ en laquelle nous a maintenu le nécessaire commerce de la haine du péché, auquel nous conviait St Bernard dans la semaine écoulée ! Oui nous allons en sortir, mais si je souhaite à tous (et à moi-même) une fidélité suffisante à la volonté et à l’œuvre du Seigneur pour éviter sa réprobation éternelle, je n’oserai pas m’avancer à vous faire cadeau de cette quatrième région par laquelle nous oblige maintenant à passer notre guide : le Purgatoire ! « C’est la région de l’expiation…ceux qui ont besoin d’être purifiés passent dans le Purgatoire ». Dans l’évangile d’hier, samedi de la 3ème semaine de Carême, nous entendions Jésus dire aux Pharisiens qui, devant lui, accusaient une femme d’adultère « que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la 1ère pierre ! » Par un reste de pudeur, tous s’en allèrent en commençant par les plus âgés. Resta la femme : Jésus ne voulut pas la condamner, il la renvoya en paix lui enjoignant de ne plus pécher. Personne d’entre nous n’aura non plus l’audace de se proclamer assez pur pour ne pas encourir le désaveu divin. Nous mourrions à l’heure même que nous aurions vraisemblablement à connaître le séjour en Purgatoire ! Pas plus que l’Enfer, le Purgatoire n’est un mythe. Sans doute la Sainte Ecriture n’y fait-elle que de superficielles allusions. Mais la Tradition chrétienne est claire et constante à ce sujet : « Il est certain, dit St Augustin, que les âmes des défunts sont soulagées par la piété des vivants…mais ces œuvres profitent à ceux qui, pendant leur vie, ont mérité qu’elles leur profitassent après la mort » Trois conciles ont défini la foi à ce sujet : on n’a donc plus à y revenir.
Ce qui peut nous laisser perplexes c’est le genre de peines qui atteignent l’âme au Purgatoire ! Comme en Enfer, on trouve au Purgatoire la peine du dam et la peine du sens : mais il n’y a pas de comparaison entre leur durée et leur intériorité, en ces deux états.
Nous avons d’abord à comprendre le pourquoi du Purgatoire. Nul péché n’est remis s’il n’a été effacé par le repentir, et expié par la pénitence. Or on peut mourir avec des fautes vénielles non pardonnées ou avec des pénitences insuffisantes pour des fautes mortelles ou pour les autres fautes vénielles. Ainsi l’âme peut n’être pas assez pure pour soutenir l’apparition de Dieu qui ne souffre rien de souillé devant sa face. De là, la nécessité d’un lieu moyen où la grâce est obligée d’attendre la gloire et de continuer dans la douleur sa purification que le repentir et la pénitence n’ont pas eu le temps d’achever sur la terre.
Comment se fait cette purification ? Par l’intermédiaire de la double peine signalée tout à l’heure.
Commençons par celle qui touche le plus notre sensibilité. C’est la peine du sens, souffrance causée de l’extérieur et qui éprouve l’âme d’une façon analogue aux douleurs sensibles de cette vie. Par quoi est-elle causée ? Par le feu répondra-t-on généralement. La difficulté que nous éprouvions à expliquer le feu de l’enfer demeure pour le feu du purgatoire. Il faut le comprendre comme une réalité, d’une nature qui nous échappe mais qui n’en est pas moins redoutable. Ce feu brûle sans détruire, il tourmente sans consumer. « Imaginez un membre jeté dans un brasier ardent mais qu’une force vitale surnaturelle régénérerait à mesure que le feu le consumerait, ce membre serait toujours intact et jamais entamé par le feu, mais, sans cesse étreint par lui, il aurait une douleur perpétuellement vive et lancinante, une sensation horrible de la brûlure, sans en subir les décompositions. C’est quelque chose d’analogue que souffre l’âme en Purgatoire toujours étreinte et jamais désagrégée. »
Là ne se borne pas son tourment. Elle connaît une peine plus vive encore, celle du dam : c’est-à-dire l’éloignement de Dieu. Voilà une chose encore plus difficile à saisir pour nous qui nous accommodons trop vite parfois de nos indifférences envers Dieu sinon même de nos dédains.
La volonté de l’âme au purgatoire la jette irrévocablement vers Dieu, elle lui appartient, elle le désire uniquement, mais sa douleur devient intolérable parce que l’union avec lui est durablement contrariée, son élan brisé. Elle constate que c’est sa faute à elle et sa douleur croît avec son amour. Elle sent sa faiblesse à recevoir la divine présence, de ne pouvoir aller plus loin ; obligée de se replier sur elle-même, elle palpe le vide qui l’entoure. C’est une vie languissante puisque le plus pur et le plus violent des amours échoue devant l’absence de la suprême beauté.
Qu’en conclure ? Qu’il faut éprouver pour les âmes du Purgatoire ce que St Bernard appelle une grande compassion. Et à ce point de notre réflexion, il nous faut être réalistes et très loyaux. Les souffrances des âmes du Purgatoire dépassent toutes les souffrances terrestres (malgré leur joie de se savoir sauvées et l’espérance qui soutient leur épreuve). Or vous savez quelle attitude doit être la nôtre devant une souffrance qu’il nous est possible de soulager : c’est celle d’une intervention rapide et efficace.
Nous voyons, de temps à autre, trop souvent à présent, des gens condamnés pour ce motif terrible « non-assistance à personne en danger ». Rester indifférents devant les souffrances des âmes du Purgatoire, négliger de leur porter secours nous ferait normalement condamner sous ce chef d’accusation devant le tribunal de Dieu. Et puis pensons que, assez vraisemblablement, nous aurons notre tour. Si l’aumône, au dire de l’Ecriture, couvre la multitude des péchés, combien cette aumône spirituelle pourra nous être d’un grand secours pour couvrir la multitude de nos déficiences.
Il va nous rester à agir, cette semaine, en faveur des âmes du Purgatoire. Ce à quoi nous ne pensons pas assez en cours d’année doit devenir une préoccupation au cours du Carême. Ces chères âmes vont profiter de notre bonne disposition : qui leur refusera un secours facile ? A vous de trouver tel ou tel moyen pratique de soulager les âmes du Purgatoire…
Et puis, si vous saviez la réponse et la récompense de votre intervention : Les âmes du Purgatoire qui peuvent quelque chose pour nous vous donneront leur désir intense et inassouvi de posséder Dieu, leur faim véhémente de Lui. Faites-le pour nous, ô saintes âmes. Amen !