« Et le dernier état de cet homme devient pire que le premier » (St Luc 11)
Ainsi sommes-nous bien avertis par notre Maître lui-même que le démon ne se tient jamais pour battu ! Malheur à celui qui relâche sa vigilance ! Lui, l’adversaire, il tourne en rond ; cherchant qui dévorer ! Malheur donc aussi à celui qui prétend pouvoir s’installer dans la tranquillité !
C’est sans doute pourquoi, il nous faudra cette semaine, avec St Bernard sortir de la paix du cloître dans laquelle nous nous étions enfermés les 7 derniers jours, pour aller maintenant, ô surprise, en ENFER.
Eh ! oui ! l’enfer. On va parler de l’enfer : car on ne parle plus guère de l’enfer. Et même pour être plus sûr qu’on n’en parlera plus, il se trouve des gens qui ont décrété que l’Enfer n’existait plus !
Réfléchissons. Le catéchisme est chargé de nous transmettre les données de la Foi chrétienne. Or, je suis chrétien parce que je crois en Jésus-Christ. Et qui est Jésus-Christ ? Le Fils de Dieu et le Sauveur des hommes. Sauveur ? De quoi donc avions-nous besoin d’être sauvés ? De nos péchés n’est-ce pas ? Et pourquoi donc de nos péchés ? Là, il n’y a qu’une seule explication possible sinon, je rends inutile la Rédemption. Cette explication, très simple, très traditionnelle, très conforme à la foi de toujours, c’est que nos péchés entraînent la mort éternelle et que cette mort éternelle c’est la séparation définitive d’avec Dieu, c’est l’Enfer. Oui, je pourrais fort bien admettre que l’Enfer soit à la 1ère page du catéchisme, comme j’admettrais aussi bien qu’un livre de médecine me parlât d’abord de la mort, pour me dire ensuite tout ce qui pourra être entrepris pour éviter, ce que, au fond, la médecine a pour tâche de repousser aussi loin et aussi longtemps que possible, c’est-à-dire cette mort même !
Jésus a parlé de l’enfer. Il nous en a fixé la durée éternelle, il nous en a décrit l’horreur : la géhenne de feu (comparaison ayant toute sa valeur pour les Juifs qui connaissaient cette vallée maudite où leurs pères idolâtres avaient offert leurs enfants en sacrifice par le feu au dieu Moloch, à la suite de quoi le roi Josias avait rendu ce lieu abominable en faisant jeter toutes sortes d’immondices et même de cadavres qui y étaient rongés des vers ou consumés lentement par des feux perpétuels.)
Jésus nous en a dit le pourquoi : la sanction du péché doit être telle qu’il y ait une différence radicale entre l’observation de la loi morale et sa violation. La sanction du péché doit être telle que Dieu demeure le Maître Souverain. La sanction du péché doit durer aussi longtemps que la faute qui devient inexpiable par le pécheur après la mort.
Ecoutons plutôt St Jérôme nous dire en quelques phrases lucides et lumineuses, ce qu’une raison bien équilibrée ne peut refuser : « Si après un long circuit et des siècles indéfinis a lieu une restauration universelle et s’établit une dignité égale de tous les militants (que nous sommes), quelle distance y aura-t-il d’une vierge à une prostituée, quelle différence entre la Mère de Dieu et, ce qui est horrible à dire, la femme qui se livre aux désordres publics ? Gabriel et Satan seront-ils égaux ? égaux les apôtres et les démons, les prophètes et les faux prophètes, les martyrs et les impies ? Imagine autant d’années que tu voudras, double les temps, amasse des siècles indéfinis de tourments ; si la fin de tous les hommes se ressemble, le passé ne compte pour rien. Car nous ne cherchons pas ce que nous aurons été autrefois, mais ce que nous devons toujours être. »
Vous savez que la peine des damnés est double : la peine du dam, c’est-à-dire la privation de Dieu : donc pas de vision dite béatifique, c’est-à-dire porteuse, génératrice de bonheur, puisque le damné a rejeté Dieu obstinément : c’est la peine essentielle.
Il y a aussi la peine du sens : elle atteint le corps. Elle est marquée dans la sentence de condamnation : « Allez maudits au feu éternel ! » On s’est demandé, on se demande toujours quelle est la nature de ce feu ! L’Eglise n’a rien défini à ce sujet. Cependant, la croyance commune apporte un élément qui fait qu’on ne peut sans témérité s’en écarter. Cette croyance s’attache donc à un feu réellement physique mais dont la nature et les effets nous sont inconnus.
Quant à savoir où se trouve l’enfer, il faut se rappeler que s’il peut être un lieu délimité, il est surtout un état : l’état, la manière d’être de ceux qui ont choisi contre Dieu et contre son Christ ; « Ne cherchons pas à savoir où il est, dit St Jean Chrysostome, mais plutôt comment nous pourrons l’éviter. »
Comment éviter l’enfer : Cette semaine devra nous permettre de reconnaître les moyens de ‘négocier’ la Haine du péché :
-en voyant comment Dieu le châtie =chute des Anges rebelles ; condamnation d’Adam et d’Eve ; Passion et Mort de son Fils.
-en nous rappelant les effets du péché =privation de Dieu ; perte de la grâce ; gaspillage de nos mérites ; esclavage des passions ; l’enfer éternel dans l’autre vie, ou le dur séjour au Purgatoire.
-en considérant sa ‘malice’ (son caractère mauvais) =crime contre la majesté de Dieu ; injustice à l’égard de ses droits ; injure et ingratitude envers sa bonté ; tourment à l’encontre de Jésus et dédain de sa Rédemption. Cependant, concevoir la haine du péché sans la rendre effective serait une imposture !
S’il faut craindre (et parfois, il n’y a guère que la crainte qui peut nous retenir sur le chemin du mal, ou nous le faire abandonner), rappelons-nous cependant qu’un fidèle habituellement préoccupé de plaire à Dieu reçoit les grâces nécessaires pour assurer son salut. Et puis, elles se demandent : en particulier celle de la persévérance finale !
Et puis nous saurons reconnaître que ce n’est pas sans raison que l’Evangile de ce jour se termine par une louange de Marie, Mère de Jésus…Alors que son Fils vient de parler du pouvoir pervers du démon, voilà qu’est amené le souvenir de Celle qui de son pied virginal a écrasé la tête du serpent infernal. Ainsi saurons-nous tourner nos prières vers la Sainte Vierge, refuge des Pécheurs, terrible à Satan, compatissante aux plus misérables : Priez pour nous, Sainte Mère de Dieu, maintenant et à l’heure de notre mort. Ainsi-soit-il.