« Dieu a commandé à ses Anges de te garder dans toutes tes VOIES » Ps. 90/11
Puisqu’aussi bien il faut nous « mettre en route » (cette route, cet itinéraire de retour à Dieu que nous propose le Carême), ne le faisons pas sans prendre une assurance ! Nous venons de la recevoir : Ps 90…
Bien entendu, cela ne nous garantit pas contre les difficultés…mais, par contre, nous couvre dans tous les cas où nous aurions l’humilité et la sagesse de faire connaître nos besoins – et aussi dans les circonstances où, sans volonté vraiment perverse ou pervertie, nous serions victimes d’un de ces accidents qu’on appelle péchés, chutes d’ordre spirituel.
A quel titre partons-nous sur cette route, route ardue dont Jésus nous a dit « Elle est resserrée la voie qui mène à la vie et il en est peu qui la trouvent ! » (St Matth. 7/14)
Se souvenant de la parabole des talents, St Bernard nous propose d’aller de région en région pour savoir comment négocier et trouver ainsi de quoi accroître notre dépôt.
Il nous demande de regarder d’abord JESUS « le Verbe du Père, le Fils Unique de Dieu, le Soleil de Justice, ce grand Négociant (qui) nous a apporté du haut des cieux le prix de notre Rédemption. » Car il s’agit bien là d’un négoce, le Christ devenant le change de ce trafic invraisemblable où « l’or est donné pour du plomb, le Juste pour le pécheur, le Fils de Dieu livré pour son serviteur, le Seigneur condamné pour son esclave. »
Et c’est au rappel d’un tel commerce (o admirabile commercium) qu’il convient d’employer le temps de la réflexion, mais aussi d’employer ses forces à s’en aller négocier dans ces régions que St Bernard nous fixe comme le territoire à traverser par celui qui est en quête de Dieu.
« Jésus fut conduit dans le désert par l’Esprit Saint, afin qu’il y soit tenté par le diable ». Voilà donc où Jésus aboutit quand il commence de nous rechercher pour nous sauver : il arrive au désert et c’est pour y rencontrer le pire des pillards : le diable !
N’est-ce pas là l’image même du monde ? St Bernard ne nous le cache pas. L’homme avait été fait à l’image de Dieu… « mais il n’a point compris son état quand il était dans l’honneur » De la ressemblance qu’il avait avec Dieu il est tombé dans la dissemblance : « O le détestable changement que celui de la gloire en la misère ! O chute malheureuse de tomber de la liberté dans la servitude »
Ainsi nous voilà dans cette région, qu’en raison de cet état de défiguration d’avec la ressemblance primitive avec Dieu, le saint docteur appelle la région de la dissemblance. C’est mal commencer notre itinéraire ? Apparemment oui, mais nous connaissons le profit que nous pouvons tirer même d’un état de misère : l’expérience guide la pensée et la volonté…et Jésus aux prises avec l’Adversaire, dans le désert, nous est un exemple bénéfique. « Ah, Seigneur mon Dieu, quel négoce que celui que nous faisons dans cette région de dissemblance !…Les uns qui y vont chercher des richesses, les autres qui courent après les honneurs, et ceux-ci qui sont emportés par les doux zéphyrs de leurs voluptés ! »
Reconnaissons là, au passage, ce qu’en langage de vie chrétienne on appelle la triple concupiscence : c’est-à-dire un triple amour déréglé : la concupiscence de la chair, amour désordonné des plaisirs des sens qui conduit à la volupté sensuelle – la concupiscence des yeux, amour déréglé des biens de la terre qui mène à l’accaparement des richesses – la concupiscence de l’esprit, amour désordonné de soi-même qui aboutit à la passion des honneurs et de la gloire propre.
Il n’est pas un seul de nos péchés qui ne provienne de l’une de ces 3 sources, pas une seule tentation qui n’ait pour but de nous faire accepter une de ces 3 concupiscences.
Au Seigneur affamé Satan propose la satisfaction corporelle de la nourriture (bien sûr elle est légitime, mais le tentateur commence toujours par faire appel aux bonnes raisons : c’est une tactique éprouvée) – puis il lui souffle l’orgueil d’une mission qui commencerait par un prodige éclatant : la réussite, la gloire d’une arrivée exceptionnelle au milieu des foules – enfin la provocation à la puissance, à l’accaparement des biens universels. Les discours du Malin ne varient pas, car il trouve perpétuellement les mêmes complicités en ceux qui s’attardent au désert de ce monde. Je dis bien en ceux qui s’attardent : car il est de nécessité d’en sortir ! Il nous faudra, cette semaine, reconnaître par laquelle des 3 concupiscences nous nous trouvons le plus atteints : les sens, les biens matériels, l’orgueil de la vie. Travail de recherche et déjà effort de renoncement.
Pratiquement :
-il nous faut non seulement renoncer aux plaisirs mauvais et sacrifier les plaisirs dangereux, mais bien plus se priver, pour endurcir sa volonté, de plaisirs permis.
-en face de la fascination des richesses, on tentera quelques efforts de dépouillement ;
-à l’encontre de l’orgueil, on fera quelques démarches d’humilité, on acceptera certaines humiliations.
Voici maintenant le temps favorable !… « Et ne présumez pas de vous-même, car c’est là le commencement de tout péché, dit Bossuet dans son traité de la Concupiscence…Ne dites point : Je ne suis point souillé ; et ne croyez pas que Dieu ait oublié vos péchés parce que vous les avez oubliés vous-même ; car le Seigneur vous éveillera en vous disant : Voyez vos voies dans ce vallon secret : je vous ai suivi partout et j’ai compté tous vos pas. »
Le diable le laissa ! Mais Jésus avait pris les moyens. Qu’avec sa grâce nous prenions ceux qu’il nous indique : « Au jour du salut, je t’ai secouru ». Qu’il en soit ainsi !