C’est après que cette femme qui figurait l’Église, eut été guérie d’un flux de sang ; c’est après que les Apôtres eurent été choisis pour prêcher l’Évangile du royaume de Dieu, que Jésus-Christ distribua l’aliment de la grâce céleste. Et remarquez à qui il le dispense : ce n’est point à ceux qui demeurent oisifs, à ceux qui restent dans la ville, c’est-à-dire à ceux qui s’attardent dans la synagogue ou se complaisent dans les honneurs du siècle ; mais c’est à ceux qui, pour chercher le Christ, pénètrent jusqu’au désert. Ceux qui surmontent toute répugnance, ceux-là sont accueillis par le Christ, c’est avec eux que le Verbe de Dieu s’entretient, non des affaires de ce monde, mais du royaume de Dieu. Et si parmi eux il en est qui soient affligés de quelque infirmité corporelle, il leur accorde d’abord le bienfait de la guérison.
Il était naturel qu’il tint en réserve un aliment spirituel, pour faire cesser le jeûne de ceux dont il venait de guérir les blessures. Personne donc ne reçoit la nourriture du Christ, s’il n’a d’abord été guéri, et tous ceux qui sont appelés au banquet, sont auparavant guéris par l’appel divin. Celui qui était boiteux a reçu, pour venir, la faculté de marcher ; celui qui était privé de la vue n’a pu entrer dans la maison du Seigneur, qu’après que la lumière lui a été rendue.
C’est donc un ordre mystérieux toujours observé : d’abord la rémission des péchés guérit les blessures spirituelles, ensuite la céleste nourriture est accordée avec largesse. Et cependant, cette foule n’est pas encore appelée à se nourrir des aliments les plus substantiels : ces cœurs, vides d’une foi solide, ne sont pas restaurés par le corps et le sang du Christ. « Je ne vous ai donné que du lait, dit l’Apôtre, vous ne pouviez encore supporter autre chose, et d’ailleurs vous en êtes encore incapables ». Ici, les cinq pains rappellent le lait : la nourriture plus substantielle, c’est le corps du Christ ; le breuvage plus fortifiant, c’est le sang du Seigneur.
« Le Seigneur nous appelle, disait l’ancien peuple sortant d’Égypte à la suite de Moïse ; nous irons à trois journées de chemin dans le désert, pour y sacrifier au Seigneur notre Dieu » (Exod. III, 18.). Les disciples de Jésus-Christ, dans notre Évangile, l’ont de même suivi au désert ; après trois jours, ils ont été nourris d’un pain miraculeux qui présageait la victime du grand Sacrifice figuré par celui d’Israël. Bientôt le présage et la figure vont faire place, sur l’autel qui est devant nous, à la plus sublime des réalités. Quittons la terre de servitude, où nous retenaient nos vices ; l’appel miséricordieux du Seigneur est pour nous de chaque jour ; établissons donc pour jamais nos âmes loin des frivolités mondaines, dans la retraite d’un profond recueillement. Prions le Seigneur, avec le chant de l’Offertoire, qu’il daigne lui-même affermir nos pas dans les sentiers de ce désert intérieur, où il nous écoutera toujours favorablement et multipliera pour nous les merveilles de sa grâce. Amen