Dans St Matthieu on raconte que le démoniaque de notre évangile est non seulement muet mais aveugle aussi. Il fut guéri par le Seigneur, nous dit-on, si bien qu’il pouvait parler et voir. Trois miracles sont accomplis simultanément dans un seul homme : l’aveugle voit ; le muet parle ; le possédé est délivré du démon. Mais ce qui fut fait alors dans la chair, s’accomplit chaque jour dans la conversion des croyants. Une fois le démon expulsé, ils perçoivent la lumière de la foi, ensuite la bouche, jadis muette, s’ouvre pour louer Dieu. « Mais il s’en trouva pour dire : C’est par Béelzéboub, le chef des démons, qu’il chasse les démons. » Ceux qui dénigraient ainsi, n’étaient pas des personnes dans la foule, mais des scribes et des pharisiens comme l’attestent d’autres évangélistes.
Car les foules, bien que manifestement moins instruites, s’émerveillaient toujours des faits et gestes du Seigneur ; tandis que ceux-ci les niaient, ou bien, s’ils ne trouvaient rien à nier, ils s’efforçaient de les dénaturer par une interprétation malveillante ; comme s’ils eussent été l’œuvre, non de la divinité, mais de l’esprit impur. « D’autres, pour le mettre à l’épreuve, lui demandaient un signe venant du ciel. » Ils désiraient, par exemple, qu’à la manière d’Elie, il fasse venir le feu du ciel, ou bien, semblable à Samuel, qu’il fasse, par un beau temps d’été, gronder le tonnerre, briller les éclairs, et tomber l’averse à torrents ; comme s’ils ne pouvaient dénigrer cela aussi et affirmer l’effet dû aux causes occultes et aux diverses perturbations atmosphériques, mais nous qui ergotons sur ce que nous voyons de nos yeux, ce que nous tenons en mains, ce que nous percevons à l’usage, que ferions-nous de ce qui viendrait du ciel ? Sans doute répondrons-nous que les mages en Egypte faisaient aussi beaucoup de signes dans le ciel.
« Mais lui, sachant leur pensée leur dit : Tout royaume divisé contre lui-même va à sa ruine, et maison sur maison s’écroule. » Il répond aux pensées, non aux paroles ; ainsi serions-nous forcés, sans doute, d’admettre la puissance de celui qui voyait les secrets du cœur. Mais si tout royaume divisé contre lui-même va à sa ruine, alors le royaume du Père et du Fils et de l’Esprit-Saint n’est pas divisé ; car, sans conteste, il ne sera ruiné par aucun assaut, mais il doit subsister éternellement. « Si donc Satan est divisé contre lui-même, comment son royaume tiendra-t-il, puisque vous dites que c’est par Béelzéboub que moi, je chasse les démons ? » En disant ceci il voulait leur faire comprendre, par leur propre aveu, qu’en refusant de croire en lui, ils ont opté pour le royaume du diable, qui ne peut évidemment pas tenir divisé contre lui-même.
Le Carême est un temps où la lutte contre le mal est plus intense : aussi faut-il que nous chassions le démon de nos cœurs afin que, délivrés de notre mutisme, nous confessions nos péchés pour célébrer la Pâque. Gardons-nous de laisser passer l’heure de la grâce. Amen