L’enfant, né de Marie, couché dans la crèche de Bethléem, élève sa faible voix vers le Père des siècles, et il l’appelle mon Père ! Il se tourne vers nous, et il nous appelle mes Frères ! Nous pouvons donc aussi, en nous adressant à son Père éternel, le nommer notre Père. Tel est le mystère de l’adoption divine, déclarée en ces jours. Toutes choses sont changées au ciel et sur la terre : Dieu n’a plus seulement un Fils, mais plusieurs fils ; nous ne sommes plus désormais, en sa présence, des créatures qu’il a tirées du néant, mais des enfants de sa tendresse. Le ciel n’est plus seulement le trône de sa gloire ; il est devenu notre héritage ; et une part nous y est assurée à côté de celle de notre frère Jésus, fils de Marie, fils d’Ève, fils d’Adam selon l’humanité, comme il est, dans l’unité de personne, Fils de Dieu selon la divinité. Considérons tour à tour l’Enfant béni qui nous a valu tous ces biens, et l’héritage auquel nous avons droit par lui. Que notre esprit s’étonne d’une si haute destinée pour des créatures ; que notre cœur rende grâces pour un bienfait si incompréhensible.
La marche des récits du saint Évangile contraint l’Église à nous présenter déjà le divin Enfant entre les bras de Siméon, qui prophétise à Marie les destinées de l’homme qu’elle a mis au jour. Ce cœur de mère, tout inondé des joies d’un si merveilleux enfantement, sent déjà le glaive annoncé par le vieillard du temple. Le fils de ses entrailles ne sera donc, sur la terre, qu’un signe de contradiction ; et le mystère de l’adoption du genre humain ne devra s’accomplir que par l’immolation de cet Enfant devenu un homme. Pour nous, rachetés par ce sang, n’anticipons pas trop sur l’avenir. Nous aurons le temps de le considérer, cet Emmanuel, dans ses labeurs et dans ses souffrances ; aujourd’hui, il nous est permis de ne voir encore que l’Enfant qui nous est né, et de nous réjouir dans sa venue. Ecoutons Anne, qui nous parlera de la rédemption d’Israël. Voyons la terre régénérée par l’enfantement de son Sauveur ; admirons et étudions, dans un humble amour, ce Jésus plein de sagesse et de grâce qui vient de naître sous nos yeux.
La lecture évangélique est d’un choix très ancien, au moins antérieur à la fête de la Purification. A l’origine, avant que les mystères de la sainte Enfance fussent vénérés en des solennités distinctes, selon leur développement chronologique, la liturgie romaine les avait groupés autour de la fête de Noël, selon l’ordre des lectures du saint Évangile.
Le sentiment le plus naturel de l’âme qui contemple les choses de Dieu, est celui d’une sainte admiration. L’Enfant Jésus était l’objet d’étude continuelle et d’émerveillement pour Marie et Joseph. Et pourtant, il n’avait pas encore ouvert la bouche, il n’avait encore opéré aucun prodige. Que sera-ce quand sa Mère bénie le contemplera sur la Croix ? Si les mystères de condescendance, d’obscurité, de suavité ineffables de la sainte Enfance de Jésus sont si profonds, que même l’âme illuminée de ses saints parents s’y perd, que ne devrons-nous pas faire pour étudier continuellement Jésus, afin de le comprendre intimement ? Un auteur ancien l’appelait : magna quaestio mundi, la grande question du monde, et il en est ainsi, en effet. Il est un mystère réconfortant pour les bons et une question pénible pour les méchants. Ceux-ci voudraient l’ignorer, ils voudraient éluder ses prétentions à la souveraineté universelle, mais c’est en vain. Ils confessent sa divinité précisément en le combattant, car, si Jésus n’était qu’homme et non pas Dieu, ils ne s’inquiéteraient pas tant de le persécuter. Signum cui contradicetur : voilà en trois mots toute l’histoire de Jésus et aussi celle de l’Église. La persécution pourra varier sa tactique et son mode, mais à travers les siècles, au fond de toutes les haines et de toutes les oppressions de l’Église, c’est toujours Jésus qui est le grand persécuté.
Ô Jésus, ô Roi tout-puissant, tout petit enfant que vous êtes, ô Jésus, ô Roi tout-puissant, régnez sur nous entièrement. Amen