En cette fête de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, patronne secondaire de la France, l’Introït de la Messe nous met en présence d’un passage du livre des Cantiques des Cantiques. Ce livre du Cantique des Cantiques demeure une des œuvres les plus mystérieuses de la Bible et cependant, son emploi assez fréquent dans la liturgie, spécialement aux fêtes de la Sainte Vierge, en fait revenir le souvenir à l’esprit des fidèles. A l’occasion de la solennité d’aujourd’hui, cherchons donc à le mieux connaître.
Le titre qu’il porte exprime sa perfection. Et pourtant le sujet dont il traite l’a fait et le fait encore mal considérer. C’est en effet un poème d’amour, décrivant les joies et les tribulations de l’amour. D’après l’en-tête de ce poème, il est dû au roi Salomon. Je n’entre pas dans les discussions des critiques…Mais il nous faut nous attarder davantage sur le sujet traité. Si ce livre était pris au sens littéral propre, c’est-à-dire à la lettre, il ne représenterait donc qu’un livre profane puisque parlant de l’amour à la manière dont d’autres œuvres anciennes ou plus récentes en ont parlé. Cette explication purement naturaliste est soutenue par des interprètes non-catholiques, disons surtout rationalistes. Parmi les chrétiens, un auteur célèbre du 4ème siècle, Théodore de Mopsueste (il a gardé le nom de la ville dont il fut évêque) déclara le Cantique des Cantiques comme indigne de figurer au nombre des livres révélés. Il fut sévèrement condamné. Il faut donc reconnaître que ni les Juifs, ni l’Eglise n’auraient admis dans le catalogue officiel des Livres sacrés un poème tel que le Cantique s’il était dépourvu d’un sens supérieur ?
Quel est donc ce sens supérieur qu’il faut lui donner ? Pour la tradition juive, le Cantique traite de l’amour réciproque de Dieu et de son peuple ; pour la tradition chrétienne qui reconnaît la tradition juive, elle lui ajoutera un sens appelé typique, l’amour du Christ qui est Dieu avec l’Eglise qui est le nouvel et véritable Israël. Ce sens pourra d’ailleurs recevoir d’autres développements et passer de l’union de Dieu avec tout son peuple ou du Christ avec toute son Eglise, à l’union divine avec toute âme fidèle et plus particulièrement encore avec celles qu’il a le plus comblées comme l’âme de la Vierge Marie.
Ainsi on comprendra que de nombreux auteurs spirituels se soient plus à commenter le Cantique des Cantiques afin d’en faire découler de multiples considérations pour la vie spirituelle. Par exemple St Bernard a consacré 86 sermons au Cantique et il était loin d’en avoir achevé le commentaire…
Pour nous résumer, le Cantique des Cantiques est une parabole dont un certain nombre de détails ne figurent que pour l’ornementation, mais dont la vérité enseignée qui découle de l’ensemble du récit est bien celle des relations du Seigneur avec son peuple sous le symbole de l’union conjugale.
Arrêtons-nous maintenant quelques instants au texte de l’Introït : « Venez du Liban, ô mon épouse, venez du Liban, venez ! Vous avez blessé mon cœur, ma sœur épouse, vous avez blessé mon cœur. »
On remarquera d’abord les répétitions qui font parti du procédé poétique, mais qui marquent également la force des sentiments exprimés.
Pour les Juifs, le Liban, c’est la montagne avec sa majesté et sa solitude, propice aux épanchements et aux confidences. Mais l’époux, lui, est loin de sa bien-aimée : après l’avoir longuement contemplée en esprit, il désire sa présence : aussi l’appelle-t-elle instamment auprès de lui. Son cœur ne peut plus tenir, il bat tourmenté, blessé à vif. Le nom donné à la bien-aimée, de sœur épouse, exprime bien le caractère spirituel de l’union chantée dans le Cantique.
Oui ce texte convient bien à notre chère petite Sainte fêtée aujourd’hui. Dès sa prime jeunesse, elle s’était donné à Jésus ayant conscience de ne lui avoir jamais rien refusé ; Notre Seigneur allait se complaire en elle.
Elle écrivait : « Vous le savez, ô mon Dieu, je n’ai jamais désiré que vous aimer uniquement…Votre amour m’a prévenu dès mon enfance, il a grandi avec moi, et maintenant c’est un abîme dont je ne puis sonder la profondeur. L’amour attire l’amour, le mien s’élance vers vous, il voudrait combler l’abîme qui l’attire ; mais hélas ! ce n’est même pas une goutte de rosée perdue dans l’océan. » (Histoire d’une âme Ch. X)
Donnez-nous Seigneur de suivre la voie tracée par Ste Thérèse dans sa vie d’humilité et de simplicité du cœur, de manière à parvenir à la récompense éternelle. Amen