Homélie donnée par Monsieur l’Abbé Jean-Pierre Gaillard (FSSP)
Au nom du Père et Fils et du St Esprit, ainsi soit-il ! Une des leçons de l’Évangile de ce dimanche est que, quoi que l’homme dise ou pense, il sert un maître, qu’il soit visible ou non, et bon ou mauvais. Cela veut dire aussi qu’il aura beau se prétendre totalement libre dans le sens de notre époque, il est tributaire de quelque chose qui le dépasse et à laquelle il est assujetti. Si se dire sans croyance ou sans pratique religieuse renforce notre moi, cela ne nous rend pas davantage indépendant d’autre chose, bien au contraire. Nous connaissons tous l’adage : « la nature a horreur du vide ! » Puisque l’homme est un être spirituel, s’il ne prend pas le soin de nourrir sa vie intérieure chaque jour, il utilisera ce temps pour assouvir tel ou tel désir illicite conduisant à la ruine de son âme. A remarquer, l’orgueil, qui consiste à la surestime de soi, fait qu’ il se fait Dieu en se servant lui-même, à la façon de Lucifer. Il se fait lui-même son propre maître, il devient sa propre idole ! Là où Notre Seigneur veut attirer notre attention dans l’Évangile de ce dimanche, c’est une autre idole connue qui est le Dieu Mammon. En hébreu, Mammon veut dire “gain” et “richesse”. Cette idole si elle est bien invisible peut paraître chez tout un chacun. Oui, nous devons prier Dieu pour demander le pain quotidien. Dans le Notre Père, il n’y a que le pain que nous demandons pour contenter le corps. Toutes les autres demandes du Notre-Père sont pour obtenir et faire grandir la grâce. Or, que faisons-nous depuis longtemps ? Nous courons pour obtenir ce plus matériel qui nous fait sortir de notre vocation d’aimer et de servir Dieu. Nous perdons une énergie folle pour essayer d’être à notre aise. La nature de l’homme étant blessée, il n’est jamais satisfait de ce qu’il a ! Alors se disant que ce n’est jamais encore assez, il met donc les bouchées doubles mais l’inquiétude arrive. Voilà où mène cette servitude de la recherche sans cesse d’une paix factice du corps. Ce Dieu Mammon qu’il sert inconsciemment, le fatigue, le pousse à bout et pourtant hors de l’excitation de cette quête dans laquelle il se sent vivre, il est comme prit à la gorge. Comme une addiction, cette course vers ce bien périssable qu’est l’argent, l’homme trouve malgré tout, une certaine forme de consolation et d’apaisement. Avoir un matelas d’argent, le rassure pour les jours mauvais, pense t-il ! Se mettre à l’abri du lendemain sans n’est pas forcément mauvais en soi si l’on n’oublie pas Dieu mais attention, Dieu n’a pas mit sa créature pour thésauriser des biens qu’Il nous a donne par sa création ! Que dirait un père de famille voyant l’un de ses enfants accumuler dans sa chambre la nourriture des repas, des tas de vêtements non portés, des objets de valeur de toutes sortes ? Cet enfant agit comme craignant pour l’avenir. Alors que rien ne lui a manqué jusqu’à présent, d’où lui vient cette peur qu’un jour son Père ne lui donne plus rien ? Aujourd’hui, on dirait facilement qu’il est atteint de TOC mais cette attitude qui est un manque de confiance envers son père dont celui-ci n’est pas pour grand-chose provient d’une trop forte considération de lui-même où seules ses propres forces comptent. Nous pouvons imaginer ce que peut ressentir le Père du Ciel quand il voit les hommes faire des réserves pour s’enrichir avec ses biens qu’Il nous donne ! L’histoire de la manne dans le désert devrait être à nouveau écoutée. Le peuple hébreu dans le désert comme n’ayant presque rien à se mettre sous la dent commença à murmurer contre Dieu qui les a fait sortir du pays d’Égypte dans lequel il était esclave. Les hébreux commencèrent à regretter les oignons d’Égypte avec les viandes. Dieu alors leur fit tomber la manne descendu du ciel chaque matin. Chacun avait ce qui lui convenait. Moïse fit cette recommandation de ne pas faire de réserve jusqu’au lendemain mais certains ne l’écoutèrent pas… Le surplus fut infesté de vers et se mit à sentir mauvais! Alors Moïse s’irrita contre eux. La manne dura tout le temps que Dieu laissa le peuple au désert c’est-à-dire 40 ans ! L’Église reprend l’épisode de la manne pour expliquer l’Eucharistie. Dieu pourvoit au bien spirituel. En cherchant d’abord le royaume de Dieu, l’âme aimant et craignant Dieu va directement au but. Il va vers l’essentiel. Il ne perd pas de temps dans tout ce qu’il pourrait l’en détourner. Il travaille tant pour l’âme que pour nourrir le corps. Il n’a pas peur de supporter le poids du jour, en portant la peine des premiers parents lorsque Dieu dit à Adam « Tu gagneras le pain à la sueur de ton front ! ». En faisant ainsi, le travail dure lui offre une double récompense : Celle de la nourriture que lui donne son travail et la sanctification de son âme en obéissant à cette recommandation. Dans les deux cas, le pain lui procure satiété de l’estomac et de surcroît la paix et le repos de l’Esprit. Il n’y a pas plus heureux qu’un homme qui gagne son pain honnêtement. Le travail, s’il est une peine, est la meilleure façon de nous éviter les maux et les vices que nous trouvons dans l’épître de ce jour. Celui dont l’esprit est occupé, n’est pas attiré par le mal. Une société chrétienne se distingue par des dirigeants qui ont à cœur à fournir un travail à tous ceux qui sont en âge de pouvoir le faire. L’oisiveté, si elle est la mère de tous les vices, ce n’est pas pour rien. Entre l’oisiveté et le travail excessif qui thésaurise, il y a un juste milieu où se trouve la vertu. Pour être certainement détacher à coup sûr du Dieu Mammon, nous avons St François d’Assise qui mendiait son pain. A travers l’aumône qu’il demanda, il voyait la Providence lui donner ou refuser. Personne ne poussa à l’excès comme lui sa dépendance à Dieu ! Il accepta d’être totalement entre ses mains, aucune résistance de sa personne ne lui fut épargnée. S’il est plus facile de donner, mendier exprime une certaine honte. Elle montre au yeux de tous qu’on n’a pas réussi. C’est un acte qui nous place inférieur à la personne que l’on sollicite et pourtant personne n’a mieux expérimenté la joie que St François ! Voilà quelle serait la bonne attitude à avoir vis à vis de notre Père du Ciel, avoir juste ce qu’il faut pour pouvoir toujours demander, car lorsque nous comptons sur nos réserves terrestres, nous perdons l’appétence des choses célestes. Au nom du Père…