Personne n’attendra autre chose comme pratique de Carême que la Pénitence. Celle-ci implique l’idée du repentir avec la volonté de racheter des fautes précédentes. Dans la vraie Pénitence chrétienne « il faut que le cœur rompe sans retour avec le péché, qu’il le regrette amèrement, qu’il l’ait en horreur, et qu’il en fuie les occasions. »
Mais, comme le fait remarquer Dom Guéranger « cette pénitence serait illusoire, si l’on ne joignait l’hommage du corps aux sentiments intérieurs qu’elle inspire. Le Sauveur, sur la montagne de la Quarantaine ne se contente pas de gémir et de pleurer sur nos péchés ; il les expie par la souffrance de son corps »
Il est bien certain que le Jeûne comme moyen habituel et préférentiel de pénitence corporelle durant le Carême n’est plus assorti d’une loi qui le rendrait obligatoire : loi qui, dans ce cas comme dans d’autres, a beaucoup de bon parce qu’elle vient comme un rappel nécessaire, comme un stimulant de la volonté, comme un soutien dans l’effort, comme une occasion de mérites qui enrichit chacun en particulier mais aussi le corps des fidèles tout entier qui se retrouve uni et tendu vers un même but dans le même effort et la même vertu. Mais il n’y a plus de loi. Le jeûne en est donc remis à l’initiative privée : ce qui importe c’est que l’esprit demeure en même temps que le fait d’une pénitence corporelle.
Dom Guéranger nous fait considérer ces gens renâclant sur le sacrifice sous de vains et faux prétextes et pourtant, dit-il « Dieu les voit chaque jour s’imposer tant de fatigues bien autrement pénibles dans la recherche des intérêts et des jouissances de ce monde. Que de santés usées dans des plaisirs au moins frivoles et toujours dangereux, et qui se fussent maintenues dans toute leur vigueur, si la loi chrétienne, et non le désir de plaire au monde, eût réglé et dominé leur vie ! Mais le relâchement est tel que l’on ne conçoit aucune inquiétude, aucun remords. »
Cependant, dans le Carême, le jeûne ne va jamais seul. Il se trouve entouré de la Prière et de l’Aumône : la première toute tournée vers Dieu, la deuxième toute préoccupée du soin de notre prochain (alors que le jeûne s’applique à nous-mêmes)
En ce qui concerne la Prière, Dom Guéranger énonce que l’Eglise entend sous ce nom « tous les pieux exercices par lesquels l’âme s’adresse à Dieu : la fréquentation plus assidue de l’Eglise, l’assistance au St Sacrifice, les lectures pieuses, la méditation des vérités du Salut et des souffrances du Rédempteur, l’examen de conscience, l’usage des Psaumes, l’assistance aux prédications (quand il y en a !) et surtout la réception des sacrements de Pénitence et d’Eucharistie.
Quant à l’Aumône, elle renferme toutes les œuvres de miséricorde envers le prochain : elles sont multiples tant dans l’ordre spirituel que dans l’ordre corporel et matériel. « Et Dieu reconnait pour véritable et comme se rapportant à lui, la charité du chrétien qui, soulageant son frère, rend hommage au lien sublime par lequel tous les hommes s’unissent dans une même famille dont Dieu est le Père. C’est par ce sentiment que l’Aumône n’est plus seulement un acte d’humanité, mais s’élève à la dignité d’un acte de religion qui monte directement à Dieu et apaise sa justice. Cette remarque fera mieux saisir la parole de l’Archange Raphaël qui, au retour de son voyage avec le jeune Tobie, disait au vieux Tobie, son père, homme charitable s’il en fut « L’aumône délivre de la mort, efface les péchés, ouvre la miséricorde et la vie éternelle. »
Il nous faut, pour achever, parler d’un autre moyen de s’assurer un bon Carême : c’est l’esprit de retraite et de séparation du monde. Le chrétien, dit toujours Dom Guéranger, doit faire trêve aux vains amusements, aux fêtes mondaines, aux réunions mondaines » Si notre auteur déplorait que « la société chrétienne n’a plus aujourd’hui, durant le Carême, cet extérieur si imposant de deuil et de sévérité que nous avons admiré dans les siècles de foi » que dirait-il donc aujourd’hui où les fêtes se déroulent sans arrêt durant le carême (le Mardi-Gras rejoignant la Mi-carême sans heurt !!! On nous lisait, il n’y a pas si longtemps, des lettres pastorales de Carême où l’on demandait aux fidèles de s’abstenir des spectacles de pure distraction et au clergé de se cantonner aux représentations de la Passion du Seigneur. Eh bien !!!
Là encore, redressons ce qui peut être redressé : gardons l’esprit : il y a des spectacles qu’on peut et qu’on doit se refuser, il y a des émissions de télévision que l’on peut et que l’on doit retrancher.
A propos du démon que Jésus chasse de l’enfant au pied de la montagne de la Transfiguration et que les Apôtres n’avaient pu expulser, Jésus les avertit que cette sorte de démon ne se chasse que par le jeûne et la prière ; Or ce démon avait rendu l’enfant sourd, muet et épileptique. N’y a-t-il pas là tout un enseignement ?
Sourd à la vérité et aux appels divins
Muet pour proclamer la louange du Seigneur et dénoncer les turpitudes et les vanités
Frénétique pour se rouler dans les plaisirs mondains et les seules réalités matérielles
Voilà le triste état de celui qui est possédé par ce démon.
Et si c’était le nôtre, ou pour que nous n’y tombions pas, comme le dit l’oraison de ce jour :
« Étendez, Seigneur, la droite de votre Majesté » Amen.