« Il y a des hommes tout à la passion des biens passagers, ignorant les biens éternels ou y étant insensibles, dit St Grégoire le Grand. Sans regret des biens d’en-haut qu’ils ont perdus, ils se félicitent, les malheureux ! de posséder ceux d’ici-bas. Formés pour la lumière de la vérité, ils n’y élèvent jamais les yeux de l’âme ; jamais un désir, un élan vers la contemplation de l’éternelle patrie. S’abandonnant aux jouissances où ils se sont jetés, ils affectionnent comme étant leur patrie un triste lieu d’exil, et au sein des ténèbres ils sont tout aussi joyeux que si une brillante lumière les éclairait. Les élus, au contraire, aux yeux de qui les biens passagers n’ont aucune valeur, recherchent ceux pour lesquels leurs âmes ont été créées. Retenu dans ce monde par les liens de la chair, chacun d’eux cependant se transporte en esprit au-delà de ce monde et prend la résolution salutaire de mépriser ce qui passe avec le temps et de désirer les choses qui demeurent ».
L’Ecriture Sainte nous présente Job comme le type de l’homme détaché des biens de cette terre : Job souffrit avec patience et dit : « Si nous avons reçu les biens de Dieu, pourquoi n’en recevrions-nous pas les maux ? Dieu m’a donné ces biens, Dieu me les a ôtés ; que le nom du Seigneur soit béni ! »
La messe de ce dimanche s’inspire de ces mêmes pensées. L’Esprit-Saint que l’Eglise a reçu aux fêtes de la Pentecôte, a formé en nous un homme nouveau qui s’oppose aux tendances du vieil homme, qui sont : les convoitises de la chair et la recherche des richesses par lesquelles on peut les satisfaire. L’Esprit de Dieu est un esprit de liberté qui, en nous rendant enfants de Dieu, notre Père, et frères de Jésus, Notre-Seigneur, nous dégage de la servitude du péché et de la tyrannie de la cupidité. « Ceux qui sont au Christ, écrit St Paul, ont crucifié leur chair avec ses passions et ses convoitises. Marchez donc selon l’Esprit et vous n’accomplirez pas les désirs de la chair, car la chair convoite contre l’esprit et l’esprit contre la chair ; ils sont opposés l’un à l’autre » (Ep.) « Nul ne peut servir deux maîtres, dit aussi Jésus, car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et la richesse. »
Il convient toutefois de préciser que ce que Dieu condamne, ce n’est pas la richesse (en elle-même, car il en faut bien pour vivre !) mais l’attachement aux biens de cette terre et leur mauvais emploi.
St Augustin explique très bien : « Quiconque est esclave des richesses est soumis à un maître dur et méchant. Tout entier à ses convoitises, il subit la tyrannie du démon. Et certes, il ne l’aime pas, car qui peut aimer le démon ? Mais cependant il le supporte. D’autre part il ne hait pas Dieu, car personne, dans le fond de sa conscience, ne peut haïr Dieu, mais il le méprise, c’est-à-dire qu’il ne le craint pas, comme s’il était assuré d’être pardonné. L’Esprit-Saint met en garde contre cette négligence et cette sécurité pernicieuse, lorsqu’il dit par le Prophète : ‘Mon fils, la miséricorde de Dieu est grande’ (Eccl. 5,5), mais sache ‘que la patience de Dieu t’invite à la pénitence’ (Rom. 3,4)… Si donc quelqu’un veut aimer Dieu et faire en sorte de ne pas l’offenser, qu’il ne pense pas pouvoir servir deux maîtres ; qu’il ait une intention droite sans aucune duplicité. C’est là l’idée qu’il faut se faire de la bonté du Seigneur ; cherchez donc Dieu dans la simplicité et la droiture de votre cœur » (3è noct.)
Cherchons donc avant tout le royaume de Dieu et sa justice et le reste nous sera donné par surcroît (Ev., comm.), comme nous y invitent tous les chants de cette messe qui sont l’expression d’une confiance totale et d’un abandon filial entre les mains de Dieu. Amen