« Jésus les conduisit à l’écart sur une haute montagne » St Matt. 17/1
Sans nul doute, il y a une similitude entre les textes qui introduisent le récit des évangiles de dimanche dernier et d’aujourd’hui. Dans celui-là, il nous était dit « Jésus fut conduit dans le désert par l’Esprit-Saint » – dans celui-ci « Jésus les conduisit à l’écart sur une haute montagne » : dans les deux cas, il se trouve un guide, dans les deux cas il y a une séparation d’avec le monde ordinaire et des soucis communs ; aux 2 fois on constate l’entrée dans une solitude. Mais la différence qui saute immédiatement aux yeux de l’esprit c’est dans le but poursuivi : dans le 1er cas Jésus se rend à l’écart pour être avec son Père et finalement rencontrer le diable – dans la 2ème circonstance, les disciples sont conduits à l’écart pour y découvrir, émerveillés, la gloire de leur Maître.
J’en tirerai la conclusion suivante : il existe des solitudes hostiles, qui sont véritablement des déserts où l’on risque sa perte – et puis, il existe des solitudes sacrées où Dieu se révèle et où l’âme est éblouie.
Nous avons voyagé, la semaine dernière, dans la région de la dissemblance, région hantée par le diable, affreux désert de la vie spirituelle. Le négoce qu’on y fait n’est qu’un profit de vanité, une affaire véreuse…Nous avons dit qu’il fallait passer, se dégager, renoncer à cette triple concupiscence de la chair, des yeux et de l’esprit, à l’accaparement des sens, des richesses, de l’orgueil.
Où notre guide va-t-il conduire nos pas maintenant. Attendons-nous à une surprise. La seconde région dit St Bernard est : le paradis du cloître. Nous avons connaissance de ce mot ‘le cloître’ qui désigne, au sens restreint une construction sous forme de galerie, de promenoir qui se déroule autour d’une cour et qui dessert les bâtiments conventuels d’un monastère : il y en a de fort beaux et qui attirent la curiosité des amateurs d’art…Mais au sens premier et le plus étendu, le cloître, c’est bien tout le monastère, cet ensemble réservé à la vie des moines…
Peut-il être question, vraiment, de mener une vie qui ait quelque rapport avec celle de ces moines, dont peu de gens comprennent l’utilité et dont beaucoup ignorent les véritables occupations ! St Bernard était moine : il ne pouvait faire autrement que de désirer le recrutement ! Remarquez qu’il s’en était chargé, lui, le jeune seigneur qui entraîna à l’abbaye de Cîteaux tout un groupe de parents et d’amis et en particulier ses 5 frères ! Mais il sait bien que le cloître ne peut devenir la terre d’élection universelle. Ce qu’il veut nous faire accroire c’est que tous nous avons besoin d’acquérir quelques unes de ces vertus qui, normalement, fleurissent en ce lieu privilégié.
De tous temps les monastères ont eu un attrait sur de nombreuses âmes, et malgré le méprisable dédain dont une certaine tendance cléricale a voulu les entourer, ils demeurent des foyers de vie spirituelle, des refuges de paix et de prière pour ceux qui ont soif d’un peu d’infini…Il faudrait même ajouter que plus ces monastères sont fervents et fidèles à la véritable tradition monastique et plus ils sont fréquentés…
Il nous faudrait donc prendre le temps de savoir et de comprendre quelle est cette vie du cloître. Et les remarques de St Bernard soulignent et rendent plus lumineux le texte de notre évangile de la Transfiguration. Car ne sont-ce pas quelques joies du cloître que les apôtres vont goûter au mont Thabor, avec Jésus glorifié :
–Contemplation, joie de l’intimité divine « Seigneur, il nous est bon d’être ici »
–Service de Dieu, « Si tu veux, j’y dresserai trois tentes » dans le
–Renoncement à tout ce qui n’est pas du domaine de Dieu « une tente pour toi, une pour Moïse, une pour Elie »
-dans la prise de conscience de l’indignité personnelle, dans l’humilité : les disciples tombèrent le visage contre terre,
-avec la connaissance qu’il faut en passer par la souffrance, la mortification « avant que le Fils de l’homme ne soit ressuscité des morts »
Vous pouvez dire justement, reconnait St Bernard « Ce sont ici les pavillons de Dieu, ce lieu est terrible et il n’est autre que la maison de Dieu et la porte du Ciel »
Nous allons donc entrer dans ce cloître mystique où le Seigneur veut que nous retrouvions la ressemblance avec lui. Il est le Saint, le trois fois Saint (sachons que ce mot veut dire le Séparé, celui qui est à l’écart) et il a dicté sa volonté : soyez saints parce que je suis saint.
Notre séjour au cloître nécessitera un peu de SILENCE (si indispensable à notre vie et si difficile à réaliser)
Et si nous avons su trouver la ‘concupiscence’ par laquelle Satan nous sollicitait, nous devrons non plus tellement, cette semaine, nous soucier d’y renoncer, mais plutôt ACQUERIR telle VERTU qui s’y oppose, puisque dans la région du cloître on reconstitue la ressemblance avec Dieu.
Puissiez-vous entreprendre un bienfaisant négoce des richesses du cloître au cours de cette semaine. Vous devrez vous en tirer heureux et plus forts, prêts, comme nous y encourage St Paul à « marcher de manière à progresser de plus en plus ». Ainsi-soit-il.