Nous allons nous arrêter, aujourd’hui, à contempler un personnage que l’Evangile nous décrit avec considération : « Et voici qu’il y avait à Jérusalem un homme dont le nom était Siméon, et cet homme était juste et craignant Dieu, attendant la consolation d’Israël ; et le Saint-Esprit était en lui. »
Quelle était l’identité exacte, selon le monde, de ce Siméon ? On ne peut rien tirer de ce texte pour se prononcer. L’Evangile se contente de livrer son identité morale et spirituelle, selon Dieu. Un texte ancien d’un évangile dit apocryphe le présente comme prêtre. Recevons ce simple avertissement de Bossuet : « Voici un homme admirable, et qui fait un grand personnage dans les mystères de l’enfance de Jésus » (Elév. Sur les Mystères)
Trois choses le caractérisent : -il est juste, -il craint Dieu, -il est dans l’attente.
-Il est juste : nous avons déjà rencontré ce terme. Il pourrait correspondre au mot saint, si ce n’est qu’il montre ici une disposition particulière aux saints de l’Ancien Testament. Ceux-ci ont une loi : la loi du Seigneur (Cette expression, vous l’aurez remarquée, dans le passage de l’évangile de ce jour, avec insistance). Cette loi est une loi de justice parce qu’elle trace une voie, un chemin de droiture, de rectitude. Venant de Dieu, elle est juste et elle justifie ceux qui la pratiquent. Il faut lire le psaume 18 : « La loi du Seigneur est immaculée, convertissant les âmes (c’est-à-dire les tournant vers Dieu. Les jugements du Seigneur sont vrais, pleins de justice en eux-mêmes ». Ces jugements sont les commandements parce que c’est par eux que Dieu juge les hommes.
Le vieillard Siméon est donc un observateur scrupuleux de la loi de Dieu.
-Il craint Dieu : cette crainte est une révérence. Il n’y a pas d’amour de Dieu sans cette crainte révérencielle. Elle est liée à l’adoration, notre premier devoir. La Sainte Vierge, dans son Magnificat, en parle expressément : « Et misericordia ejus a progenie in progenies timentibus eum » Et sa miséricorde va de génération en génération à ceux qui le craignent. (On a voulu de nos jours établir un copinage avec Dieu : c’est insensé et pervers !…)
-Il est dans l’attente : cette remarque dénote elle aussi qu’on a à faire avec un saint de l’Ancien Testament. Une multitude d’âmes pieuses soupiraient après le Messie. Longue attente occasion de prières, de sacrifices et de larmes : voilà pourquoi le Sauveur est appelé la Consolation d’Israël : quand il paraîtra la joie renaîtra enfin !
Le couronnement de ces trois dispositions vertueuses nous est signalé clairement : « le Saint-Esprit était en lui »
Cette présence était active, stimulante, puisque le Saint Vieillard avait reçu une révélation qui déjà avait établi sa vie dans cette consolation qu’il avait attendue. Cette révélation touchait sans doute ses derniers jours ici-bas mais quelle lumineuse sortie de ce monde pour les yeux de sa chair, comme pour les yeux de son âme. « Il ne devait pas voir la mort sans avoir vu auparavant le Christ du Seigneur. » Le même verbe sert, en latin, pour désigner les deux visions : celle de la mort et celle du Christ. Ne serait-ce pas pour indiquer en quelque sorte que désormais le regard de Siméon ne pourrait plus jamais saisir que cette unique vision même au-delà de la mort. Il serait un de ceux qui, dans les limbes (les enfers) pourrait parler du Sauveur du monde. Il deviendrait une sorte d’évangéliste, porteur de la Bonne Nouvelle.
Je m’arrête là : à chacun de nous de saisir dans cette lumière, cet homme admirable, ce grand personnage, en nous appliquant à reprendre pour notre compte ses propres dispositions :
-être scrupuleusement attachés aux commandements du Seigneur
-le craindre par révérence dans une fréquente adoration
-attendre la consolation quand nous gémissons, car Dieu veut que notre espérance soit soutenue d’une patience longue et infatigable
-et que le Saint-Esprit nous fasse la grâce de voir Jésus en cette vie. Non pas sans doute par une apparition (dont cependant il peut favoriser qui il veut) mais par cette faculté qu’il donne à l’âme de contempler dans la grâce et la paix intérieure celui qui est l’objet d’un service fidèle et d’un amour vigilant. Cette vision intérieure est donnée aux saints : pas seulement aux grands, à ceux dont on retient le nom et la gloire. Mais à tous les saints, c’est-à-dire ceux qui ont comme but de sanctifier leur vie ! Saint Augustin spécialiste des formules spirituelles condensées écrivait : « Que je meure afin de vous voir, et que je vous voie, afin de mourir maintenant »
Ce que développe le vénérable Louis du Pont : « Que je vous voie par la contemplation en cette vie afin que je meure à moi-même par la mortification, et que mourant d’une si heureuse mort, je mérite de vous voir éternellement dans votre gloire. » Amen