Rendre à Dieu ce qui lui revient et respecter religieusement en nous tout ce qu’il a mis de lui-même, c’est la leçon la plus profonde qui se dégage de l’évangile de la messe d’aujourd’hui. « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Prononcée à propos de l’effigie de César sur une pièce de monnaie, cette sentence du Christ est devenue, dans la prédication chrétienne en particulier, le thème de développements singulièrement pressants sur tout ce que nous devons à Dieu en raison des dons incomparables dont il nous a comblés.
« Nous sommes la monnaie de Dieu, frappée à son effigie, dit St Augustin, et Dieu réclame sa monnaie comme César réclame la sienne ». « Cette image, qui est notre âme, insiste Bossuet, repassera un jour par les mains et devant les yeux de Jésus-Christ. Il dira encore une fois en nous regardant : de qui est cette image et cette inscription ? et notre fond lui répondra : de Dieu. C’est pour lui que nous étions faits : nous devions porter son empreinte. Le baptême la devait avoir réparée, et c’était son effet et son caractère. Mais que sont devenus ces divins traits que nous devions porter ? L’image de Dieu devait être dans ta raison, ô âme chrétienne ! toi, tu l’as noyée dans l’ivresse ; toi tu l’as plongée dans l’amour des plaisirs ; toi, tu l’as livrée à l’ambition ; toi, tu l’as rendue captive de l’or, ce qui est une idolâtrie ; toi, tu l’as sacrifiée à ton ventre dont tu as fait un dieu ; toi, tu lui as fait une idole de la vaine gloire : au lieu de louer et bénir Dieu nuit et jour, elle s’est louée et admirée elle-même. En vérité, en vérité, dira le Sauveur, je ne vous connais pas ; vous n’êtes pas mon ouvrage, et je ne vois plus en vous ce que j’y ai mis. Vous avez voulu vous faire vous-même à votre mode : vous êtes l’ouvrage du plaisir et de l’ambition ; vous êtes l’ouvrage du diable dont vous avez fait les œuvres, que vous avez fait votre père en l’imitant. Allez avec celui qui vous connaît et dont vous avez suivi les suggestions ; allez au feu éternel qui lui a été préparé. Ô juste juge ! Où serai-je ? Me reconnaîtrai-je moi-même, après que mon Créateur m’aura méconnu ? » (Méd. Sur l’Evangile, 39ème jour)
C’est ainsi qu’il nous faut interpréter l’évangile de ce dimanche qui est l’un des derniers de l’année ecclésiastique où l’Eglise nous rappelle les derniers temps du monde. L’épître parle également des exigences du Sauveur lorsqu’à la fin des temps il viendra nous juger. Mais plus encourageant que Bossuet, St Paul rappelle que pour peu que nous nous y prêtions, « Dieu, qui a commencé en nous l’œuvre bonne, en poursuivra l’accomplissement jusqu’au jour du Seigneur » ; C’est Dieu qui nous travaille et qui nous sauve, et notre collaboration consiste à mener généreusement notre vie chrétienne, pour être, au jour du Christ, purs, irréprochables, et justes d’une justice qui nous vient de Lui. Si le Seigneur tient compte de nos iniquités, qui pourra subsister devant lui ? (Intr.). Mais le Seigneur est l’appui et le protecteur de ceux qui mettent en lui leur espérance. (Alléluia), et dans sa miséricorde il exauce tous ceux qui crient vers lui (Comm.).
Profitons de ces rappels du jugement dernier pour renouveler notre confiance en Dieu, et pour nous préparer, par la pratique même de notre vie chrétienne, à nous présenter devant lui tout transformés par l’œuvre de salut qu’il y aura accomplie. Amen