Considérons les mystères d’une si grande solennité. Car c’est en ce jour que l’Esprit-Saint est descendu avec un bruit soudain sur les disciples, et que, transformant les esprits de ces hommes charnels, il les a conduits à son amour. Tandis que des langues de feu apparaissaient à l’extérieur, au dedans les cœurs des disciples s’enflammèrent, et comme ils voyaient Dieu sous l’aspect du feu, ils devinrent avec une suavité ineffable tout brûlants d’amour. Car le Saint-Esprit est amour, et c’est pourquoi saint Jean dit : « Dieu est charité ». Celui donc qui désire Dieu de tout son esprit, possède certes déjà celui qu’il aime. Car personne ne pourrait aimer Dieu, s’il ne possédait celui qu’il aime.
Si l’on questionne chacun de vous et qu’on lui demande : Aimez-vous Dieu ? Il répond d’un esprit assuré et avec pleine confiance : Je l’aime. Vous avez entendu au commencement de la lecture de l’Évangile, ce que dit la Vérité même : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ». La preuve de l’amour, c’est l’action. Aussi saint Jean dit-il encore dans son Épître : « Celui qui dit : J’aime Dieu, et ne garde pas ses commandements est un menteur ». Mais nous aimons vraiment Dieu et nous gardons ses commandements, si nous nous efforçons de réprimer en nous l’attrait des plaisirs. Car celui qui continue à s’abandonner à des désirs illicites n’aime assurément pas Dieu, puisqu’il s’oppose à lui dans sa volonté.
« Et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure en lui ». Considérez, quel grand honneur c’est de posséder pour hôte, dans notre cœur, Dieu venant à nous. Certes, si quelque ami riche ou très puissant devait entrer dans notre maison, la maison tout entière serait rendue nette avec la plus grande hâte, de crainte qu’il n’y eût quelque chose qui blessât les yeux de cet ami qui arrive. Qu’il ait donc soin de se purifier des souillures du péché, celui qui prépare pour Dieu la demeure de son âme. Mais voyez ce que dit la Vérité même : « Nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure en lui ». Il vient en effet dans les cœurs de quelques-uns, cependant il n’y fait pas sa demeure, car ils ont attiré le regard divin par la componction, mais au moment de la tentation, ils oublient aussitôt ce qui les a amenés à la pénitence, et ainsi ils retournent au péché, comme s’ils ne l’avaient jamais pleuré.
Tertullien a défini le Chrétien : un composé de corps, d’âme et d’Esprit Saint. Cette phrase semble paradoxale, mais elle doit être expliquée dans le sens où l’entendait son auteur. C’est l’Esprit Saint qui, par sa grâce, élève intérieurement l’âme à l’être surnaturel de fille adoptive de Dieu. La motion du Paraclet est donc ce qui détermine tous nos actes méritoires ; en sorte que, quand nous invoquons Jésus, quand nous gémissons à ses pieds, quand nous souffrons, quand nous agissons pour Dieu, c’est toujours le Saint-Esprit qui prie, gémit, opère en nous. En outre c’est « Lui-même qui rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. » Rom. 8, 16. Bien plus, c’est précisément le Spiritum Filii sui (l’Esprit de son Fils) Gal. 4,6. que Dieu a répandu en nous pour nous donner part, avec Jésus, au caractère de fils de prédilection. Ce même Esprit qui, durant notre vie, habite en nous et nous imprime l’impulsion vers le ciel, ne termine pas son œuvre à notre mort. Au dernier jour, il exige la réédification du temple mystique qu’il s’est formé dans l’âme croyante, et cela propter inhabitantem Spiritum eius in nobis « Par son Esprit qui habite en nous ».
Célébrons donc le Saint-Esprit qui devrait toujours nous animer. Amen