Nous n’ignorons pas que le mystère pascal occupe le premier rang parmi toutes les solennités chrétiennes. Notre manière de vivre durant l’année tout entière doit, il est vrai, par la réforme de nos mœurs, nous disposer à le célébrer d’une manière digne et convenable ; mais les jours présents exigent au plus haut degré notre dévotion, car nous savons qu’ils sont proches de celui où nous célébrons le mystère très sublime de la divine miséricorde. C’est avec raison et par l’inspiration de l’Esprit-Saint, que les saints Apôtres ont ordonné pour ces jours des jeûnes plus austères, afin que par une participation commune à la croix du Christ, nous fassions, nous aussi, quelque chose qui nous unisse à ce qu’il a fait pour nous. Comme le dit l’Apôtre : « Si nous souffrons avec lui, nous serons glorifiés avec lui. » Là où il y a participation à la passion du Seigneur, on peut regarder comme certaine et assurée l’attente du bonheur qu’il a promis.
II n’est personne à qui Dieu refuse de l’associer à cette gloire et la condition du temps n’y met pas obstacle, comme si dans la tranquillité et la paix il n’y avait point d’occasion de montrer du courage et de pratiquer la vertu. L’Apôtre l’a prédit en disant : « Tous ceux qui veulent vivre pieusement dans le Christ, souffriront persécution » ; et c’est pourquoi l’épreuve et la persécution ne manquent jamais, si la pratique de la piété ne fait jamais défaut. Le Seigneur en exhortant ses Apôtres, leur dit : « Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, n’est pas digne de moi. » Cette parole, nous n’en pouvons douter, s’applique non seulement aux disciples du Christ, mais à tous les fidèles, à l’Église entière, qui, dans son universalité, écoutait les conditions du salut en la personne de ceux qui étaient alors présents.
Comme il convient à tout ce corps de vivre pieusement, ainsi l’obligation de porter la croix est-elle de tous les temps ; ce n’est pas sans raison qu’il est conseillé à chacun de porter sa croix, car chacun s’en voit chargé d’une manière et dans une mesure qui lui sont propres. La persécution n’est désignée que par un seul mot, mais il existe plus d’une cause de combat, et il y a ordinairement plus à craindre d’un ennemi qui tend des pièges en secret que d’un adversaire déclaré. Le bienheureux Job, qui avait appris que les biens et les maux se succèdent en ce monde, disait avec piété et vérité : « N’est-ce pas une tentation que la vie de l’homme sur la terre ? » Ce ne sont pas seulement les douleurs et les supplices du corps qui assaillent l’âme fidèle, car elle est menacée d’une grave maladie, encore que tous les membres demeurent parfaitement sains, si elle se laisse amollir par les plaisirs des sens. Mais comme « la chair convoite contre l’esprit, et l’esprit contre la chair », l’âme raisonnable est munie du secours de la croix du Christ, et moyennant ce secours, elle ne consent pas aux désirs coupables lorsqu’elle est tentée, parce qu’elle est transpercée et attachée par les clous de la continence et par la crainte de Dieu.
Nous vous en prions, Dieu tout-puissant, regardez vos enfants dans votre miséricorde ; accordez-leur votre grâce pour qu’ils soient gouvernés en leur corps, et veillez sur eux pour qu’ils soient gardés en leur âme. Amen