La ‘Station’ de ce dimanche, c’est-à-dire le lieu de l’assemblée liturgique, se faisait jadis à Saint-Laurent-hors-les-murs, qui est l’une des cinq basiliques patriarcales de Roma. Dans cette église se trouvent les corps des deux diacres St Laurent et St Etienne. L’oraison du premier (10 août) nous fait demander d’éteindre en nous l’ardeur des vices comme St Laurent surmonta les flammes de son supplice. Et celle du second (26 décembre) nous engage à aimer nos ennemis comme St Etienne qui poussa la charité jusqu’à prier pour ses persécuteurs. Ce sont ces deux vertus : chasteté et charité, que pratiqua par-dessus tout le patriarche Joseph, dont l’Eglise nous conte l’histoire cette semaine dans les leçons du Bréviaire : Joseph résista aux sollicitations de la femme de Putiphar et il aima ses frères jusqu’à leur faire tout le bien qu’il pouvait, leur rendant ainsi le bien pour le mal.
Mais c’est surtout comme figure du Christ qu’en ce dimanche de Carême la physionomie de Joseph prend un relief tout particulier. On connaît assez l’histoire de Joseph vendu par ses frères, emprisonné et malmené, puis rentrant en grâce, siégeant à la droite du Pharaon, et chargé par lui de gouverner tout son royaume, pour retrouver dans tous ces traits, comme esquissée par avance, la grande figure du Christ dans le mystère de sa passion et de sa résurrection. Familiarisés avec l’histoire symbolique de l’Ancien Testament, nos pères s’y attachaient avec une prédilection qui s’est un peu perdue, comme à un enseignement qui à la lumière de l’Evangile leur faisait mieux comprendre les grands mystères du salut. Lorsqu’on leur lisait les pages où la Bible raconte l’histoire de Joseph « sauveur du peuple », d’emblée ils pensaient au Christ : « Je suis Joseph que vous avez vendu ; mais ne craignez point : Dieu a tout conduit pour que je vous sauve de la mort ».
Plus d’un texte de la messe d’aujourd’hui pourrait se mettre comme une prière sur les lèvres de Joseph (voyez l’introït, l’oraison, le Trait, l’offertoire) ; en les chantant ou en les récitant, tâchons d’y mettre quelque chose de l’âme confiante et si profondément religieuse que Joseph apportait dans sa prière.
L’évangile nous montre la Christ chassant le démon du corps d’un possédé ; plus fort que Satan, il le chasse de son domaine et rend aux âmes leur liberté. – Aux Pharisiens qui ne veulent pas comprendre, Notre-Seigneur laisse entendre de la façon la plus claire que l’heure vient où « il attirera tout à lui » et où « le Prince de ce monde sera jeté dehors ». Il en est cependant, qui, visités par la grâce de Dieu, retombent au pouvoir de Satan et leur dernier état est pire que le premier. Le triomphe du Christ n’en est pas moins assuré : plus il approche de sa passion, plus le Christ l’affirme ; et en approchant de Pâques, l’Eglise se plaît à nous donner les mêmes assurances.
Pendant le Carême, qui est un temps où la lutte contre le mal est plus intense, il faut que nous chassions le démon de nos cœurs afin que, délivrés de notre mutisme, nous confessions nos péchés pour célébrer la fête de Pâques. Gardons-nous donc de laisser passer l’heure de la grâce. Amen